Bonjour la compagnie. (Le Mariage arrangé)
Claire Moulène
Acte I : L’envers et l’endroit
Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul. Il s’ennuie ferme ce petit personnage taciturne qui porte à bout de bras l’exposition personnelle1 que donne Sarah Tritz cet hiver à la Fondation d’entreprise Ricard. Il s’ennuie et il pense au cul donc, logique. Mais vous n’en saurez pas beaucoup plus sur ce freluquet qui ne voit pas plus loin que son nom, chosifié, et ses pensées vagabondes. Il est un attrape-cœur ou un trompe-l’œil. Car si chaque sculpture, et encore davantage, chaque personnage, qui peuple l’univers de Sarah Tritz est un étendard, elle est aussi un épouvantail, qui égare ou éloigne le spectateur. Il n’y a pas d’épaisseur chez ces pantins filaires que l’artiste se refuse à inscrire dans une dramaturgie si ce n’est la leur propre, petit monde clos sur lui même qui ne s’écrit au mieux que par bribes, sous cette forme brève du haïku donc, a minima par l’apposition d’un titre : La Blonde, Ma travestie au repos, Sainte Sébastien, L’Homme qui court, Figure allongée etc. Non pas que l’on ne puisse en faire le tour, souvent très travaillés, apprêtés plutôt, avec leur parure de fils, de cordelettes, de tiges en métal ou de franges assemblées et leurs grigris colorés, ils offrent quantité de détails sur lesquels accrocher le regard. Disons plutôt qu’ils ont un envers et un endroit, que l’artiste ne cherche en aucun cas à dissimuler et qui fait immédiatement tomber le masque de l’illusion. À l’endroit, une forme vaguement anthropomorphique vous fait miroiter une amorce narrative que viennent appuyer les titres. À l’envers, aisément accessible puisque Sarah Tritz ne cache rien de la fabrique de son œuvre, ils sont le résultat, la mise à plat dans tous les sens du terme, d’une pratique d’atelier, des tâtonnements et des fortunes de l’artiste. La traduction parfois fortuite, toujours rafistolée ou rapiécée d’une pensée qui procède par rebonds et se répercute dans le geste. Et quand la technique vient excéder et déborder la capacité de l’artiste à traduire aisément cette pensée en marche, c’est à des artisans que Sarah Tritz fait appel, afin de ne jamais tomber, comme elle l’explique, dans « une forme de labeur » qui viendrait ralentir le rythme. Cette pensée sautillante, pratique aussi, car immédiatement projetée ou transférée dans les objets et les matériaux que l’artiste manipule fait immanquablement penser au bricoleur que Levi Strauss évoque dans La Pensée sauvage qui cherche d’abord à comprendre ce que chacun de « ces objets hétéroclites qui constituent son trésor » pourrait signifier. Au bricoleur mais aussi au monteur qui sur sa table de mixage doit composer avec quantité de données (son, images, couleur, temporalités) et jouer du grand angle en gardant en mémoire l’image complète du film qu’il se fait dans sa tête, tout en prêtant attention aux multiples détails et surprises qui se forment à l’écran.
Ainsi tirés à quatre épingles, au hasard des trouvailles techniques, des équilibres et des savoirs faire, d’une forme de sérendipité en somme, ils ne revendiquent, hormis leur particularité physique (question d’apparat ou d’échelle, cruciale chez ces personnages surdimensionnés — à l’image du bien nommé Géant — ou miniaturisés — si l’on pense aux délicates poignées de porte en bronze et à corps de femmes que l’artiste vient de réaliser) aucune épaisseur psychologique. Ils sont l’incarnation ou plutôt la réduction à un trait de caractère, un style, qui fait dire à l’artiste dans un entretien préparatoire à ce livre : « J’aime beaucoup l’idée qu’elles (ses sculptures) seraient à elles seules un One-man-show. J’aimerais avoir cette capacité d’incarner des êtres différents, presque caricaturaux et représentant à eux seuls une forme de caprice. Le caprice relevant de l’humeur. Le one-man-show tel que je l’imagine serait comme une mise en mots de différents paysages mentaux ».
Que faut-il entendre par là ? Dans quel sillage faut-il inscrire cette sculpture caricaturale ? Les silhouettes maladroites de Sarah Tritz ont sans doute à voir avec les illustrations des lithographes du XIXe, qui de Daumier à Doré inondent la presse satirique (La Silhouette, La Caricature et surtout Le Charivari) de leurs portraits politiques assassins. Sauf que là où les caricaturistes chargent la barque, forcent le trait et lestent leurs victimes d’atours peu flatteurs, exauçant ainsi la prophétie de la caricatura (de l’italien carricare : charger, lester un char de poids), Sarah Tritz, au contraire, épure ses contrefaçons pour en faire des personnages faméliques chez qui l’usage récurrent du fil fonctionne de façon indicielle. Et lorsqu’elle s’aventure pour la première fois du côté de la sculpture en trois dimensions, bien en chair — fusse-t-elle de bois —, c’est paradoxalement quand elle va chercher du côté de la platitude de la BD en mettant en scène Sluggo, jeune garçon mal fagoté et bedonnant tout droit sorti d’un comics américain pop des années 50.
Ainsi s’opère chez Sarah Tritz cette contradiction féconde, qui consiste à épurer, à dégrossir, pour viser juste et dissimuler en quelque sorte la cohorte d’invités mystères que traîne derrière elle une œuvre au final extrêmement peuplée. Autrement dit, avec Balzac, dès 1834, qui justifie ainsi le don d’ubiquité de sa « femme de trente ans », dans le roman éponyme mais aussi les six tableaux que composent le cycle « même histoire » « ce qui unifie un texte, un personnage, ce n’est pas la ‹ psychologie › ni les possibilités de s’identifier à lui, mais bien son pouvoir d’être un lieu de convergence, un moyen de distanciation ».
Acte II : Les invités mystère
Joyeux ou mélancoliques mais presque toujours décharnés, suspendus à un fil et sans épaisseur donc, les mannequins de Sarah Tritz recouvrent paradoxalement une certaine densité liée à une stratification historique et esthétique que la cure d’amaigrissement que l’artiste leur a fait subir ne masque pas totalement, et continuent ainsi d’entretenir une lointaine parenté avec les œuvres-sources, ces aînés illustres ou remisés, qui les ont inspirés.
Car l’œuvre de Sarah Tritz procède beaucoup par requalification. Requalification d’objets sans qualité issus des techniques et savoir-faire populaires (si l’on pense aux murets en carrelage qu’elle utilisa dans son exposition au Parc Saint Léger pour délimiter des parcelles, et encore à cette immense fresque en stuc jaune sale qu’elle fit réaliser au même endroit, sur le modèle des peintures pour hall de gare ou grands ensembles) mais aussi, et c’est ce qui est plus étonnant chez elle, de quantité de références et marqueurs culturels issus de l’histoire de l’art et qui, donc, ainsi ancrés, n’escomptaient aucune forme de réinsertion ou de repêchage. Avec ce regard fertile qu’elle pose tour à tour sur les poignées de portes, les cadres et les socles des scénographies muséales comme sur une œuvre précoce de Picasso ou une délicate maquette en bois signée Giacometti, l’artiste met en œuvre des opérations d’extraction et de fragmentation simultanément résolues dans le montage de ses sculptures, dessins ou collages.
« C’est dans ces écarts de style que j’inclus la perception du regardeur, c’est par la gymnastique qu’impose cet écart que j’imagine le regardeur devenir actif » complète l’artiste qui en zoomant ainsi dans l’histoire de l’art, des formes et des pratiques, réassigne une place nouvelle à ces productions désolidarisées de leur contexte d’origine pour les déplacer vers un nouvel environnement plus propice. À l’image de ce canif de poche orné (en forme de chaussure, et dont les petites lames sont sorties et pointées vers le regardeur) posé comme un appendice sur une sculpture en laiton qui rappelle tout à la fois l’instrument de musique ou un porte-revue au corps allongé (Le teckel est le titre incongru de cette petite pièce en acier inoxydable qu’elle présenta en 2013 au Parc Saint Léger) et retrouve ainsi ses lettres de noblesse. Mais ce qui est formidable chez Sarah Tritz, c’est qu’elle procède exactement de la même façon quand il s’agit de « sauver » ou d’apprivoiser un Picabia, un Antonin Artaud ou un Chirico. En convoquant comme elle le fait dans toutes ses œuvres, ces figures tutélaires (sans véritable ancrage historique ou esthétique même si elles semblent appartenir à un réseau de signes et de formes familiers au sens où ils appartiendraient à la même famille) l’artiste les fait entrer dans son salon en quelque sorte, où elles occupent alors la place juste à côté du vase, sur la cheminée. Et ceci dit sans cynisme, tant le terme ne fait pas partie du vocabulaire de cette artiste à l’érudition et à la délicatesse authentiques. Ainsi de ce petit dessin tremblé d’Antonin Artaud, qu’elle rejouait en grand au Parc Saint Léger dans une sculpture en métal peinte et baptisée « Le moche », ou cette sculpture de Giacometti citée plus haut et que Sarah Tritz avait choisi d’abord pour son titre, Le palais à quatre heures du matin avant de présenter son double fantasmé et amplifié en vis-à-vis d’une dalle de béton assoupie sur un matelas sobrement intitulée L’après-midi.
Il y a de l’intranquilité chez Sarah Tritz, comme elle le formula joliment un jour en convoquant le fantôme de Pessoa, lui même grand adepte de travestissements et autres camouflages avec son système très sophistiqué d’hétéronymie. « Le processus mémoriel se fait en général à mon insu. Soit l’histoire de l’art navigue à son gré dans l’atelier, soit en effet je la convoque pour sortir d’une impasse formelle » développe l’artiste pour justifier ces grands écarts qui construisent en creux, derrière ces figures totémiques qu’elle érige, toute son œuvre. C’est sur ce système ramifié de branchements et de coïncidences que reposent donc les personnages éthiques du bestiaire de Sarah Tritz. Sur ce maillage dense et précis que cette artiste douée d’une capacité à « voir isolément » en prélevant à même le tamis de l’histoire de l’art tel ou tel dessin, peintures ou fragments, que La Travestie, Le Moche ou La Blonde prennent racine pour mieux ensuite se décoller de leur souche.
Acte III : Le mariage arrangé et l’amant dans le placard
Il en va des couples, ou des trouples, que Sarah Tritz convoque dans le petit théâtre miniature de son œuvre et qui mettent ainsi au travail une dimension bien particulière du genre, entendu non pas au sens d’une identification sexuelle mais d’une taxinomie d’espèces, comme des personnages en chair et en os de ce grand spectacle qu’est la vie : certains font longue route, en bonne compagnie qu’ils se trouvent quand d’autres, mal assortis, n’ont d’autres options que de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il n’en est pas moins vrai que ce petit monde, gentiment dépareillé, présente beau sur l’estrade de l’exposition. Le Moche, La Blonde, Le Géant, Sluggo, Diabolo, tous ces caractères ou characters qui composent le casting de Sarah Tritz ont été choisis pour leurs particularités et leurs dissonances. Comme dans les Caractères de La Bruyère ou les pièces de Molière, ils sont l’incarnation d’un tempérament, d’un penchant ou encore d’une singularité physique qui leur collent à la peau et suggèrent que ce qui compte bien davantage est la façon dont ils se tiennent là, en bonne ou mauvaise compagnie. On y revient donc. La question que pose au fond la troupe dissonante de Sarah Tritz c’est celle du mariage, contraint ou choisi, subi ou voulu. Ces mariages arrangés procèdent directement, on l’a vu, d’une opération de sélection préalable que l’artiste exécute à partir du jeu de cartes de l’histoire de l’art.
La Femme de trente ans, roman qu’écrit Balzac au sortir de la révolution de 1830 et que nous avons déjà cité préalablement pour au moins deux raisons (il donna son titre, dans une version légèrement amendée à une exposition de Sarah Tritz, Une femme de trente ans en 2013 à la galerie Florent Tosin à Berlin, tandis que cette dernière nourrit, elle nous l’a dit à plusieurs reprises, une certaine passion pour la littérature de mœurs du XIXe), commence par cette scène : avril 1813, aux abords des Tuileries, une toute jeune femme dont la « blancheur et l’incarnat étaient rehaussés autant par les reflets du satin rose qui doublait une élégante capote, que par le désir et l’impatience » se promène au bras d’un vieillard qui s’avère être son père mais qu’on avait pris d’abord pour son vieil amant, lui-même se plaisant à entretenir la confusion aux yeux des passants ravis par l’incongruité du tableau. Cette scène inaugurale est symptomatique d’une longue tradition littéraire mais aussi picturale et même populaire (si l’on pense au Charivari et, à sa suite, au Carnaval, qui l’un comme l’autre font sonner l’hallali des couples mal assortis ou adultères mais célèbrent aussi le désordre social et les inversions de pouvoir) qui prend appui sur ces noces contre nature.
Or il y a de cela aussi chez Sarah Tritz, dont l’intérêt intuitif qu’elle porte aux écrits du XIXe, aux romans des Goncourt comme aux vaudevilles de Feydau et Labiche et aux multiples représentations du monde à l’envers très prisées en ce siècle passé, témoigne de la façon dont elle-même procède dans son travail. En convoquant des figures contre nature, issues de milieux artistiques divers, — comme l’on pourrait le dire des classes sociales —, le surréalisme, les arts déco, l’assemblagisme et même la BD bon marché, mais aussi en pratiquant une forme très effrontée d’anachronisme qui lui permet d’aligner sur un même plan, celui de l’exposition, des sources multiples et a priori incapables de dialoguer entre elles, elle construit un arrière plan suturé et saturé, dont les voix contraires permettent à un nouveau langage d’advenir.
Aussi, si les personnages de Sarah Tritz pris indépendamment les uns des autres cultivent une forme de mutisme et de sécheresse, en showmen solitaires dont le dialecte semble circonscrit à une, à une seule tonalité, c’est dans un grand tapage silencieux qu’ils traînent derrière eux ces casseroles sonnantes et trébuchantes venues de l’histoire de l’art et des formes. Tandis que leurs rencontres fortuites et leurs amours adultères, nourris de ces fantômes qui les hantent joyeusement, sont les témoins d’un grand charivari artistique.
Décembre 2015
1 Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬
et pense au cul, Sarah Tritz. Du mardi 24 novembre 2015
au samedi 9 janvier 2016 à la Fondation d’entreprise Ricard.
Cata-scata, le one-man-show du Moche
Notes sur une sculpture de Sarah Tritz
par Paul Bernard
« Depuis quatre ans je réalise régulièrement des figures à mi-chemin entre personnages et sculptures. J’aime beaucoup l’idée qu’elles seraient à elles seules un one-man-show. »
Cette remarque de Sarah Tritz dans le présent catalogue mérite que l’on s’y arrête. Ce recours au spectaculaire pour envisager des sculptures n’a rien d’anodin et soulève en réalité un certain nombre de questions. Comment entendre cette idée que ses sculptures seraient à moitié douées d’une entité et pourraient s’envisager « à elles seules » comme un monologue humoristique ? Quel sketch nous proposent-elles ? Comment cette considération modifie-t-elle notre perception des œuvres ?
Le terme one-man-show recouvre à lui seul bien des réalités différentes. On pourrait penser par exemple au stand-up américain, ce genre de spectacle comique où, seul sur scène, sans accessoires ni costumes, l’humoriste feint d’improviser en racontant ses déboires quotidiens dans un rapport très direct avec le public. On pourrait également songer, sur un mode moins humoristique, aux harangues publiques des Speakers Corners anglais. Un « coin » – le plus connu demeure celui de Hyde Park à Londres — où chacun est autorisé à tenir une tribune, permettant aux opinons les plus excentriques, radicales et provocantes d’avoir droit de cité. Il n’y a là aucune estrade, aucune tribune en dur, il revient à chacun de se débrouiller pour se hisser de quelques centimètres et se faire entendre.
Entre stand-up et Speakers Corners, il nous plait donc ici de voir le one-man-show comme un art précaire et volontiers excentrique, obligeant l’orateur à moult gestes et anecdotes pour capter l’attention de son auditoire. Se faire entendre avec peu pour espérer, ne serait-ce qu’un instant, sortir de sa condition d’anonyme et exister publiquement. Ce que Rupert Pupkin, l’antihéros prêt à tout pour un seul sketch à la télévision dans La Valse des Pantins de Martin Scorsese, pouvait justifier ainsi : « Mieux vaut être le roi d’une heure que plouc toute sa vie1 ». Oui, au fond, le performer de one-man-show pourrait prendre les traits de cet oxymore : une sorte de plouc royal.
La face du plouc
Les oxymores sont nombreux dans le langage plastique et poétique de S. Tritz — qu’il nous suffise d’évoquer pour exemple le titre de sa première exposition personnelle : Un Joyeux Naufrage ! Une manière de mettre en relation des termes à priori antithétiques inhérente à la réalisation même des sculptures et à leur mise en espace. Ainsi, dans son exposition à Pougues-les-Eaux, une sculpture monumentale, Le Moche, prenait place dans la nef au point de convergence des regards. Placer un « moche » au centre de l’attention sonne comme un défi aux convenances. Le plouc royal s’incarne ici dans Le Moche majestueux.
Dans le corpus sculptural de l’artiste, Le Moche constitue sans doute l’œuvre la plus anthropomorphe. Sur ces trois mètres de hauteur, on identifie aisément une tête avec un nez proéminent reposant sur un corps, et au moins un bras et une jambe. L’artiste a d’abord réalisé une maquette en carton avant de confier la réalisation de la pièce en aluminium à un artisan. Respectant strictement le modèle de départ comme il le lui a été demandé, ce dernier a repris également les alvéoles du carton, visibles lorsque l’on observe les tranches des différentes plaques. Cette ligne interne sinusoïdale s’entrevoit comme une collerette prise en sandwich ou comme une succession de losanges arlequin et vient subtilement donner une dimension carnavalesque à la sculpture. Il y a déjà dans ce détail le sentiment d’un renversement des valeurs, d’un déguisement.
Le passage du carton à l’aluminium est également une manière paradoxale de pérenniser le caractère misérable du matériau original. Un paradoxe de la matière qui se double d’un paradoxe de la forme. Placée nous l’avons dit au centre de l’espace, sur un socle rond qui sous-entend que l’on pourrait tourner autour, la sculpture n’a en réalité pas de face. Réalisée par plaques, elle n’offre qu’un seul véritable profil, comme ces vedettes imprimées en taille réelle sur du carton que l’on trouve dans les galeries commerciales et les cinémas. Le Moche n’aurait semble-t-il que deux dimensions, ou deux dimensions et demi concéderons-nous, si l’on prend en compte l’articulation grossière du bras et de la jambe. Ajoutons enfin que les plaques se maintiennent légèrement de biais, de traviole, donnant cette sensation d’une sculpture qui, offrant une large prise au vent, est au bord de l’effondrement latéral.
La canne et la trompe
S. Tritz s’est fortement inspirée d’un dessin d’Antonin Artaud, Le Totem : une figure mince et raide, de profil, en équilibre sur une seule jambe, l’autre étant repliée, coupée et sanglante. Elle non plus n’a pas vraiment de visage, si ce n’est peut-être cette forme plate, comme « retournée » vers l’intérieur. Et de fait, la partie supérieure se termine en un arrondi qui fige ce corps en une quille oblongue, ou plutôt, à en lire les spécialistes, comme une canne, tant le bombé a quelque chose d’un pommeau — canne dont on sait l’importance mythique, voire magique chez le poète : il possédait une canne noueuse, qu’il disait tenir d’un sorcier savoyard et pensait être la canne même de Saint-Patrick2.
Partant de ce pommeau, une longue trompe molle rehaussée de rouge flotte vers l’extérieur, à l’horizontale. Une excroissance nasale disproportionnée que l’on pourrait rapprocher du Nez d’Alberto Giacometti, dont la première version est réalisée la même année, en 1947. Bien qu’il n’y ait sans doute aucun rapport, il est en effet curieux de noter que le dessin et la sculpture partagent cette même appréhension de profil, un caractère totémique et magique, et cet appendice qui tâte le dehors — rappelons que Le Nez de Giacometti dépasse de la cage qui enceint la tête. Mais la trompe d’Artaud est grossière, presque pathétique. Au contraire de la sculpture, elle ne transperce rien, elle est bien trop flasque pour cela. Elle semble davantage une trompe d’insecte, sondant à l’extérieur quelque forme à butiner.
Le caractère entomologique est accentué par le trait, fait de rapides hachures, comme si la peau n’était constituée que d’une tonsure dense. Un contour maladroitement exécuté « pour que l’œil qui les regarde tombe » et qui donne la sensation d’une figure tremblante. « Pourquoi le peintre déforme-t-il ? s’interroge Artaud. Parce que le modèle en lui-même n’est rien, mais le résultat, mais tout ce que le modèle implique d’humanité, mais tout ce qui, à travers le modèle, peut être dit de vie battante et trépidante, angoissée ou lénifiée3. »
Mercure moche
Revenons au Moche : en devenant sculpture, l’insecte vertical d’Artaud s’est comme doté de vertèbres. La canne se fait serpentine. Sa situation en équilibre sur un pied avec sa main relevée pourrait d’ailleurs nous faire penser que le pesant Moche se prend pour le gracile Mercurio de Giambologna. La trompe quant à elle s’est raccourcie et épaissie pour se faire nez en robinet. Giacometti est bien loin désormais, et la sculpture a quelque chose de bien plus grotesque, caricatural que le vibrant Totem. Ce dernier aspect est renforcé par l’apparition d’une bouche, absente chez Artaud, qui esquisse un sourire.
Le pied amputé du dessin ne l’est plus dans la sculpture. Il faut ajouter à cela le rose que S. Tritz a substitué au rouge sanguinolent du dessin original. Un rose chair, cisaillé par quelques nervures. Autant la couleur chez Artaud semble chargée d’une forte dimension symbolique, « appuyant » juste à certains endroits, autant le rose badigeonné de S. Tritz est beaucoup plus charnel, presque érotique. Ça n’est plus une chair meurtrie mais plutôt dévêtue.
Un profil ingrat de tamanoir à la réalisation douteuse, une posture inappropriée, un rictus suspect, maintenant cette chair exhibée et tout cela au centre de l’attention : on frise l’indécence, voire l’obscénité. Pourtant la sensation demeure que derrière ce sketch d’aluminium se joue en réalité quelque chose de plus tragique.
Kisch mir in tokhès !
En 1967, Gallimard publie La Danse de Gengis Cohn de Romain Gary. Le narrateur y est le dibbuk4 de Gengis Cohn, un comique juif exterminé par les nazis qui hante le subconscient de l’ancien SS qui avait commandé son peloton d’exécution. En prenant pour héros un comique « très connu jadis dans les cabarets yiddish » qui va se jouer de son « hôte », le contraignant notamment à apprendre le yiddish et à célébrer les fêtes juives, R. Gary a écrit une véritable curiosa, osant pour la première fois l’humour dans la littérature de l’Holocauste. Le livre s’engage justement comme un one-man-show. L’humoriste se présente d’abord avant de faire état malicieusement de sa relation avec l’ancien nazi, devenu désormais l’unique spectateur de ses apparitions.
Cette « possession » de l’officier par le dibbuk de Cohn intervient tout de suite après l’exécution de ce dernier. Au fond d’un trou où il s’apprête à recevoir le feu, Gengis Cohn fait un geste qui marquera à jamais le SS qui témoignera plus tard : « il m’a tourné le dos, il a baissé sa culotte, il nous a montré son cul nu et il a même eu le temps de crier Kisch mir in tokhès ! [Baise-moi le cul !] avant de tomber. Une vraie hutzpé, un culot monstre… »
Le comique raconte lui : « Je me suis toujours demandé ce qui m’avait poussé à montrer mon cul nu aux représentants du Herrenvolk à un moment pareil. Peut-être pressentais-je qu’on allait un jour reprocher aux Juifs de s’être laissé massacrer sans résister : j’ai donc utilisé la seule arme, purement symbolique, certes, que nous avions réussi à conserver à peu près intacte à travers les âges et que j’allais perdre dans un instant. Je ne pouvais rien faire d’autre. Il n’était pas question de sauter hors du trou et de se jeter sur les SS quitte à tomber en route, noblement : le trou était trop profond. Mais je tenais à m’exprimer. Avant de recevoir les balles dans le cœur, je voulais quand même manifester, envoyer un message à l’Allemagne, aux nazis, à l’humanité, à la postérité5. »
Au milieu des cris et des implorations, condamné à une fin imminente, l’insulte scatologique et sexuelle, la « punchline » yiddish prend une force telle qu’elle ouvre à celui qui la profère une sorte d’éternité. « J’ai le sens de l’à-propos : je sais exactement choisir le moment où la khokhmé, le bon mot, où l’effet visuel doit partir. » racontait un peu plus tôt dans le roman le comique juif.
Outre le fait qu’un heureux hasard phonétique rapproche le héros de R. Gary, dont le véritable nom est Moïché, du Moche de S. Tritz, il nous semble que cette idée d’ultime outrage avant le néant traverse la pratique de la sculptrice – l’exposition de Pougues ne se concluait-elle pas d’ailleurs par une paire de fesses ? Et si l’on en revient au Speakers Corner de Hyde Park, nous pouvons maintenant rappeler que celui-ci prend son origine dans les exécutions publiques qui se tenaient là, dans ce même parc londonien, entre le XVIe et le XVIIIe siècles. Cette parole publique est en fait dérivée de l’ultime monologue d’un condamné avant sa disparition. En fin de compte, le plouc n’est couronné qu’une fois sur l’échafaud.
Cata-Scata
Pour un autre de ses dessins, Couti l’anatomie, Artaud avait crée la petite formule de « cata-scata » dont Jean-François Chevrier avait proposé l’analyse suivante :
Quant à cata, associé à scata, la scatologie, c’est un autre élément du grec, qui est entré dans la composition de mots comme katastrophê. Kata signifie ‹ du haut vers le bas › ou simplement ‹ vers le bas ›. Le corps ne peut se refaire, se redresser comme un arbre, que s’il se concentre d’abord et se tasse, fait bloc, fait boîte, à terre, en bas, ici-bas. L’insurrection-résurrection passe par le bas, par un cheminement ‹ cata-scata ›, cahin-caha 6 . »
Cette dernière phrase aux accents prophétiques pourrait tout à fait s’appliquer, détournée de son contexte, à Gengis Cohn, ce comique ressuscité, et, par ricochets, au Moche, ce plouc insurgé. Deux corps en scène, sur le point de disparaître, et qui ont fait art ce rapport « cata-scata ». Si le tragique de leur disparition imminente pouvait inviter à la compassion, ils ont opté pour un comique obscène pour s’exprimer une dernière fois avec arrogance. Au fond, ils se moquent bien de l’affection digne, de la louange héroïque du spectateur.
Seul leur importe d’assurer leur règne d’un soir.
Décembre 2015
1 The King of Comedy (La Valse des Pantins), 1982. Réal. Martin Scorsese.
2 Voir Paule Thévenin, Jacques Derrida, Antonin Artaud, Dessins et portraits. éd. Nrf Gallimard, Paris, 1982, p.123.
3 Antonin Artaud, Œuvres complètes, vol. II, éd. Nrf Gallimard, Paris, 1976, p.73.
4 Le « dibbuk », dans la tradition juive, est un mauvais esprit, un démon qui prend possession d’un homme.
5 Romain Gary, La Danse de Gengis Cohn. éd. Nrf Gallimard, Paris, 1967, p.25-26.
6 Jean-François Chevrier, « Un autre espace pour la peinture : lyrisme concret et pensée géopolitique » in Öyvind Fahlström. éd. Institut d’art contemporain, Villeurbanne, coll. Les cahiers — Mémoires d’expo, 2002. p.44.
Entretien réalisé avec Sandra Patron et Franck Balland
Composée d’un ensemble d’œuvres pour la plupart inédites, L’œuf et les sandales, l’exposition personnelle que le Parc Saint Léger a consacré à Sarah Tritz entre mars et mai 2014, avait amorcé un certain nombre d’évolutions dans le travail de l’artiste.
L’entretien qui suit et qui réunit autour d’elle Sandra Patron — actuelle directrice du MRAC de Sérignan, à l’origine de cette invitation lorsqu’elle dirigeait le Parc Saint Léger —, et Franck Balland — chargé de la programmation hors les murs du centre d’art — prolonge et approfondit les discussions entamées à Pougues-les-Eaux.
SP Cela fait quasiment un an jour pour jour que s’est clôturée ton exposition L’œuf et les sandales au Parc Saint Léger et, à vrai dire, pour des raisons diverses, nous avons peu échangé depuis. Tu prépares en ce moment une exposition à la Fondation d’entreprise Ricard pour l’automne prochain et je me demandais si on pouvait tirer un fil entre ces deux projets, l’un déjà digéré, l’autre en devenir. Je pense notamment à ce dessin d’Artaud qui a inspiré la sculpture Le Moche à partir duquel, au Parc Saint Léger, s’organisait l’espace. Ce changement de format dans ta sculpture avait à mon sens fait évoluer la façon dont tu appréhendais l’espace d’exposition ; ces problématiques de format et d’espace vont-elles s’activer également chez Ricard? Par ailleurs, à l’instar d’Artaud, ce que tu regardes est une impulsion première dans ton travail, ma question — en forme de curiosité —, est finalement assez simple : que regardes-tu en ce moment ? Quels sont les artistes, les lieux, les œuvres qui seront moteurs pour cette exposition chez Ricard ?
ST L’exposition à la Fondation d’entreprise Ricard se construit pour l’instant autour deux figures : Sluggo et Le Géant. Sluggo est issu directement de l’un des personnages éponyme de la bande dessinée américaine Nancy, re-nommée en France Arthur & Zoé, dessinée par Ernie Bushmiller dans les années 30 et publiée jusque dans les années 60. Le Géant provient d’un dessin de Max Ernst, Figure Humaine, réalisé en 1931 ; il est contemporain de Sluggo mais issu d’un tout autre contexte. Il s’agit de deux styles de représentation très différents mais, dans les deux cas, la simplicité synthétique du dessin amène à une reconnaissance immédiate des formes représentées, caractéristiques à la fois du pop art et des arts primitifs. En réalisant Sluggo et Le Géant en volume et à une autre échelle, je veux donner corps à des images/dessins et donc à des personnages. Je souhaite ainsi amplifier cette rupture de style entre eux tout en préservant une même efficacité visuelle chez chacun d’eux. Ces deux sculptures-personnages n’ont pas d’épaisseur psychologique, ils ne font pas partie d’une narration. Ils ont simplement chacun une manière d’être et un style à eux. Sluggo sera sculpté dans du tilleul. Il sera de petite taille, environ 90 cm, évoquant un nain ou un enfant de 3 ans bien potelé ! À l’inverse du Géant, qui fera 3 mètres de haut et sera réalisé en aluminium puis peint en partie. Ces deux sculptures seront réalisées par les Ateliers de Production, à Lyon. Les autres formes qui seront montrées dans l’exposition seront installées dans l’espace en fonction de ces deux « personnages ».
L’ensemble de l’exposition portera sur la représentation de la figure humaine. Depuis quatre ans je réalise régulièrement des figures à mi-chemin entre personnages et sculptures. J’aime beaucoup l’idée qu’elles seraient à elles seules un one-man-show.
Par ailleurs, je m’inspire des poignées de porte du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris : ce sont des bas-reliefs en bronze, représentant des femmes nues, entourées d’un décor art nouveau. Je réalise que je m’inspire à nouveau d’une forme provenant des années 30, ces poignées datant de 1937.
D’une part, je trouve ces bas-reliefs très beaux et d’autre part, l’idée que l’on empoigne chaque jour ces femmes m’intéresse beaucoup – d’autant plus qu’il serait inconcevable d’imaginer cela aujourd’hui en termes de décision architecturale ! J’ai donc décidé de quasiment recopier ces femmes-poignées, en passant par le modelage, et de les faire ensuite fondre en bronze. Je leur ôte toute fonctionnalité pour seulement m’attarder sur la représentation stylisée d’un nu féminin des années 30. J’entends par « stylisée » le fait que le modèle initial cite lui-même l’antiquité grecque. Ces bas-reliefs seront relativement petits et ils sont faits pour être accrochés au mur. Il y aura donc des changements d’échelle notables dans l’exposition.
Réaliser ces personnages est aussi un prétexte pour produire des représentations diverses de la figure humaine, me permettant ainsi de créer des ruptures de styles. C’est dans ces écarts de style que j’inclus la perception du regardeur et c’est par la gymnastique qu’ils imposent que j’imagine le regardeur devenir actif.
FB À cette liste d’œuvres des années 30, j’ajouterais Ferdydurke, le roman de Witold Gombrowicz publié en 1937 que tu avais souhaité mettre à disposition du public pendant la durée de ton exposition au Parc Saint Léger. Là encore, mais dans un registre littéraire cette fois, l’auteur utilise une forme de représentation stylisée, grotesque, pour traiter ses personnages. On sait, grâce aux nombreux commentaires qu’a produit Gombrowicz autour de son livre, à quel point ce passage par le grotesque lui a permis de s’en prendre à une certaine conscience bourgeoise. Je me demande donc ce qu’il reste de cela lorsque tu empruntes ce procédé stylistique dans ta pratique ; peut-on y voir, au-delà du clin d’œil formel, une manière de s’opposer à un certain « bon goût » qui sévit dans l’art contemporain ?
ST Il faut se méfier du bon goût quand celui-ci signifie une perte de l’expérience, et chacun sait qu’il est plus facile de passer à côté de l’expérience perceptive plutôt que d’accepter de s’y engager, en faisant corps avec la situation. Accepter d’être dans l’expérience des formes permet de sentir ce qui se passe et de l’analyser ensuite dans un second temps. Dans le fond, la conscience bourgeoise aimerait annuler l’expérience même de la vie, c’est à dire, par exemple, annuler les moments de doute où ni le corps ni rien d’autre n’a de réponse, où l’on se retrouve sans programme et où l’on peut devenir soi-même grotesque. Ce qui d’une certaine façon est « flippant ». L’un de mes derniers dessins se nomme justement Flip et parle de cela : de cette peur face à l’incertitude. Tu as tout à fait raison de mentionner Gombrowicz qui, par le biais d’un humour très cruel, critique de façon violente le manque de responsabilité de ses compatriotes face à la vie. Joseph ou Jojo, le personnage principal de Ferdydurke, observe le masque du « bon goût » porté par ceux/celles qui vivent avec lui. La conscience bourgeoise dans Ferdydurke, c’est celle des adultes qui souhaitent se convaincre que les enfants sont innocents. Par conséquent, les enfants se remplissent d’une agressivité inouïe, comme s’ils portaient sur eux le baluchon de la sexualité fermé à tout jamais, contraints à garder leurs pulsions en eux. C’est ce masque du bon goût qui force les adultes à parler aux enfants comme s’ils étaient incapables de comprendre. Gombrowicz dénonce une idéologie bourgeoise qui passerait par le filtre du « bon goût ».
Néanmoins j’ai moi aussi des préjugés, je suis parfois « flippée » par ce que je ne connais pas, je ne suis pas à l’abri d’une sorte de bon goût et j’ai du mal à croire que les artistes seraient, plus que d’autres, aptes à accepter une certaine forme d’inconnu.
SP C’est drôle la tournure que prend cet entretien. Je ne m’y attendais pas et en même temps ça me semble juste d’aborder ton travail par ces chemins de traverse, d’utiliser la pensée de l’autre pour nourrir notre échange, du coup ça me donne envie de continuer en ce sens… Si je me laisse dériver, ton travail m’évoque Le Manifeste Anthropophage, ce poème de 1928 écrit par l’écrivain Oswald De Andrade, un des textes fondateurs de la modernité au Brésil, dans lequel Andrade prône la dégustation symbolique de l’autre. Ce texte est inspiré d’un rituel des indiens Tupi qui dévoraient leurs semblables pour capter leur force vitale. Pour Andrade, il était nécessaire pour le peuple brésilien, non pas de singer la modernité européenne, mais bien de la manger, au sens cannibale du terme, de s’en nourrir pour se forger une identité singulière. C’est une puissance de vie incroyable (et une réponse à la colonisation d’une fulgurance inouïe) qui a libéré toute une génération d’artistes, je pense notamment à des gens comme Helio Oiticica ou Lygia Clark. Je m’égare peut-être mais je retrouve cette énergie cannibale chez toi !
Et ce cannibalisme métaphorique produit à mon sens des écarts que l’on retrouve dans ton travail : écarts de styles, de rythmes ou de formats, car ce que tu « manges » dans la culture de l’autre est par définition hétérogène et défie les conventions liées à l’espace et au temps. Je me rends bien compte que tout cela ne ressemble pas vraiment à une question mais je voulais avoir ton sentiment à ce sujet : dans quelle mesure cela fait-il écho à ta pratique ?
ST C’est un très beau commentaire ! Je ne peux pas me situer exactement dans la même attitude que celle portée par Andrade, nos histoires et époques étant différentes, néanmoins, je me sens très proche du cannibalisme comme possibilité d’hybridation. Il y a quelque chose de cet ordre-là quand je m’approprie les formes des autres. Simplement j’ai le sentiment que ce n’est pas moi qui dévore l’œuvre d’un/e autre, mais plutôt que c’est elle qui vient me « mordre », m’allumer, au sens de la drague. Comme tout amant/e pris au piège je réponds ! On est proche d’un baiser, parfois terriblement repoussant et d’autres fois terriblement sensuel. Je n’avais aucunement envie de faire corps avec Le Totem d’Artaud, et pourtant ! De cette rencontre est né Le Moche. C’est très fatigant car parfois je me noie dans ces histoires d’amour. Il y a des périodes où je ne vais pas voir d’expositions, par crainte de me « faire allumer » !
Ce qui m’ennuie légèrement avec le terme de cannibalisme au sens strict, c’est qu’il exclut une forme de sensualité. Avant de mordre dans la chair, l’œuvre doit venir s’imprimer sur la peau. Ce serait comme la rencontre du Saint Suaire et du Saturne dévorant un de ses fils de Goya ! L’empreinte puis la chair !
Pour en revenir au dessin d’Artaud, c’est un dessin de l’intérieur, il parle de ce qui se passe dans son corps et dans sa tête, et je suppose que c’est ce qui le rend difficile à aimer d’emblée. Le trait saute sans cesse, il n’est pas doux, il n’y a pas de lignes continues. Bonnard, à l’inverse, peint rapidement le corps des femmes et traite la surface du tableau comme une peau. La sensualité de sa peinture passe par tout ce qui est représenté à côté des corps, autour et à l’extérieur. Il peint les objets et le décor comme s’il cernait leur anatomie et cela donne l’impression d’un dépeçage. Ce sont là deux exemples de représentations des corps très différentes, mais qui m’intéressent tout autant.
Dans un autre registre, plus décoratif et appliqué, les représentations de femmes sur les poignées de portes du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, m’inspirent et je travaille sur cela en ce moment ! On caresse et serre ces femmes nues, pour ensuite inévitablement les délaisser. Quelle frustration stratégique géniale ! On entre ainsi dans le musée rempli de cette sensation et on court vers ce qui pourra à nouveau nous envahir avec force !
Suely Rolnik, philosophe et critique d’art brésilienne définit la sensation comme « ce qui apporte à la subjectivité la présence vivante de l’autre ». C’est ce que je trouve fantastique dans le fait de regarder les formes des autres ! L’appropriation de ces diverses œuvres me permet de fixer une énergie mentale spécifique sur des problèmes plastiques particuliers ; ici en l’occurrence, des synthèses subjectives de la figure humaine.
FB Au delà des références historiques que tu as évoquées, quels sont les artistes en activité qui nourrissent ta pratique ?
ST Je regarde très attentivement le travail de Dana Schutz, peintre américaine, née en 1976. Son travail est extrêmement drôle et très fort en terme de montage. Elle peint la plupart du temps des êtres humains en train de faire plusieurs actions simultanées. Ses titres parlent d’eux-mêmes : Shaking, Cooking, Peeing et Getting Dressed All at Once, ou encore Face Eater, Bird in Throat, Eye Eater, Devourer, Poke… Ses œuvres parlent justement beaucoup de cannibalisme et de la manière dont l’image est mangée par le corps et inversement ! Dana Schutz est dans la continuité de Guston et de Picasso. Tout est donné pour argent comptant. Ses personnages incarnent notre contemporanéité. Je regarde aussi beaucoup le travail de Rachel Harrison, Valérie Blass, Lizzie Fitch, Cathy Wilkes, Sarah Lucas. Des femmes donc, anglo-saxonnes, qui prennent la liberté de représenter les corps, de façon très stylisée avec humour et malice. La monstruosité, le maquillage, le déguisement, la mollesse, l’échelle de représentation, les couleurs, etc. bien que peu réalistes, nous renvoient directement à la perception de notre propre corps.
FB Il existe un concept, aujourd’hui principalement utilisé pour la musique électronique mais qui me semble cependant faire sens lorsqu’il est mis en relation avec ton travail, c’est celui d’« hantologie ». Jacques Derrida a formé ce néologisme à partir des termes « hanter » et « ontologie », l’hantologie désigne selon lui la présence de « fantômes » dans les créations humaines — entendues alors comme concrétions de résidus mémoriels agissant dans le présent. Outre les artistes et les œuvres qui « hantent » ta pratique — ce dont nous avons beaucoup parlé jusqu’alors —, il semble également que celle-ci soit tributaire de l’environnement dans lequel tu évolues. Récemment, tu me disais qu’il ne t’était pas anodin de « vivre et travailler » à Paris. As-tu l’impression que la mémoire de cette ville, hantée par les esprits qui l’ont parcourue et façonnée, agit sur ta pratique ?
ST Ce ne sont pas tant les artistes qui ont travaillé à Paris et sur Paris, comme les surréalistes ou les situationnistes qui me parlent et me hantent, mais plutôt Balzac, les Goncourt et le Paris d’après la révolution française qui s’articule avec le Paris haussmannien. Quels que soient les quartiers ou les styles, il est difficile de s’y promener sans sentir cette architecture arrogante, la présence de l’histoire, de l’aristocratie, les immeubles bourgeois, les monuments, les façades, etc. Je pense très régulièrement à 1789, aux classes ou même aux ordres sociaux qui s’opposent, hier comme aujourd’hui — selon des termes différents bien sûr. Cette ville cloisonne tout autant qu’elle croise, mêle, stratifie les registres, genres, styles et époques si intensément et dramatiquement. D’une certaine façon l’aristocratie incarne, depuis mon point de vue d’enfant de la banlieue parisienne, une aspiration au confort, à l’aisance de la parole et à un goût cultivé.
J’ai réalisé une sculpture en 2014 qui se nomme Dorothée. Dorothée est une jeune fille mal coiffée qui adore les colliers, elle est SDF mais elle se tient fièrement sur un socle précieux, en chêne et en plexiglas coloré, qui la maintient en vie. Elle est faite à partir d’un vase en porcelaine décoré de peintures et de colliers, et de cheveux blonds emmêlés, maintenus par une tige en laiton. Dorothée pourrait être une aristocrate et une anarchiste, déchue de ses biens et de sa liberté, qui n’aurait pas pour autant perdu son titre de noblesse. Luciano Fabro a dit cette phrase très juste : « la bourgeoisie ne peut pas avoir de morale : sa morale, c’est uniquement celle du pouvoir et de l’argent. Si tu lui enlèves l’argent il n’y a plus de bourgeoisie. Mais si tu l’enlèves à un aristocrate, il reste aristocrate. C’est ça, l’abstraction. La bourgeoisie ne peut pas être abstraite et c’est ça la crise du centre ! »1
Paris est un décor génial pour se tenir droite telle une Madame de Mortsauf, comtesse et personnage principal du Lys dans la Vallée, mais aussi pour être, à l’inverse, traversée par le destin tragique de Germinie Lacerteux, servante, soumise à l’étroitesse de sa vie par son impossibilité à parler, au sens où l’entend la psychanalyse, c’est à dire à se servir du langage pour se construire.
Étrangement, c’est le contraste entre ce Paris-décor et une réalité brutale du Paris-contemporain, qui accueille un nombre de gens de cultures très différentes, dans un espace très restreint, qui m’amène à regarder, à incarner puis à réaliser des montages de styles différents. La ville nourrit une hétérogénéité des styles, des sources iconographiques et des époques. Je pense à la première phrase des Métamorphoses d’Ovide : « Mon intention est de parler de formes métamorphosées / En corps nouveaux ».
Le travail doit se faire d’un seul souffle. Mes sculptures-personnages rendent compte d’une forme de liberté dans l’acte-même de création, autant que dans le destin des personnages fictifs qui y naissent. C’est par la fantaisie d’être n’importe qui, que je deviens libre. Je travaille en me projetant dans différentes histoires de différents corps. Paris m’aide à représenter, et à voir incarnés, ces corps-histoires.
Dans l’art contemporain, on parle trop peu souvent d’où viennent les artistes ; il ne s’agit pourtant pas de s’apitoyer, mais on fait comme si tout le monde venait du même milieu – ce qui est bizarrement assez aristocratique. Mon travail parle aussi de cela, de ce malaise entre une homogénéité culturelle supposée et l’hétérogénéité de mes styles et influences.
Si l’idée d’habiter à Paris n’est pas « sexy » pour certaines personnes du monde de l’art, il se trouve que j’y habite, comme beaucoup de gens, et que je produis des formes depuis là où je suis. Mise à part la politique culturelle qui a permis la réalisation d’ateliers-logements, rien n’est fait pour que les artistes s’y installent, l’espace est trop cher. Cependant c’est justement de là que naissent des stratégies de résistance pour trouver de l’espace et du temps. Et cette difficulté crée un cadre de travail stimulant.
SP Pour conclure cet entretien, j’aimerais évoquer les titres de tes expositions qui ne cessent de me fasciner tant ils sont à rebours des codes implicites en vigueur dans le champ de l’art contemporain. Le titre de ton exposition à la Fondation Ricard Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul en est un parfait exemple : il dégage étonnamment quelque chose d’à la fois maladroit et sûr de lui, qui nous attire et nous rebute dans un même mouvement. Il déjoue assez subtilement à mon sens les attentes du spectateur sur ce qu’il est en droit de voir et de comprendre ; en même temps on ne peut s’empêcher de se demander ce qui t’est passé par la tête ! Et ils sont drôles aussi, tout simplement, c’est d’ailleurs un point, l’humour dans ton travail, dont nous n’avons pas parlé pour le moment dans cet entretien. Peux-tu nous expliciter comment ces titres agissent dans ton processus de production, ce qu’ils activent en terme de puissance évocatrice pour le spectateur mais également en terme programmatique pour toi ?
ST Il y a d’un côté les titres des expositions et de l’autre les titres des œuvres. Le titre d’une exposition est un emporte pièce, qui dessine le seuil du projet.
Par exemple pour l’exposition qui a eu lieu en 2014 au Parc Saint Léger, L’œuf et les sandales, j’ai simplement joué avec l’expression « marcher sur des œufs » en décidant que le nom « sandales » remplacerait le verbe marcher. Cette expression imagée, implique le corps, et sous-entend l’éventualité d’une chute. Par ailleurs la sandale dessine une structure sur le pied tout en le dévoilant, ce que je trouve à la fois beau et répugnant. Le pied est une partie du corps qui m’intéresse particulièrement, puisqu’elle est en contact avec le sol. Je pensais également au texte de Bataille, Le gros orteil.
Tout ce qui y est dit est vraiment opposé à la forme de l’œuf, une forme magnifique et parfaite. Je voulais dès lors, par ce titre, impliquer le corps du regardeur dans sa perception de l’exposition, en suggérant cette antinomie esthétique.
Bien sûr un titre comme celui-ci, ne se construit pas d’une manière si consciente. La contraction de l’expression initiale s’est faite très rapidement et ce n’est qu’après coup que je l’analyse. Tout le travail se fait de cette manière-là.
Par ailleurs, certains titres de mes pièces nomment ce qu’on a sous les yeux comme ma pièce qui s’intitule Les fesses. D’autres de mes titres convoquent un objet bien précis, comme Bubble Gums, Le Teckel, ou La pomme de terre, qui ne représentent pas ce qu’ils nomment, mais dont l’objet nommé est doté d’un potentiel comique ou pop. Les titres m’aident beaucoup quand j’installe une exposition. Par exemple, pendant l’accrochage de l’exposition au Parc Saint Léger, je nommais mes pièces – pour moi-même, intérieurement – et je me suis aperçue que ça m’avait permis de les placer avec précision les unes par rapport aux autres. Je riais parfois de l’idiotie de leur nom. La blonde faisait de l’œil au Poilu. Le Moche trônait au milieu de la salle, il pouvait apercevoir Le Teckel mais sans pouvoir « mater » Les fesses. Pendant que Le poisson et le taureau se tenaient à distance
du Palais à quatre heures du matin surplombant Le Lit.
Pourtant je ne revendique aucune narration au sein de mes expositions. Il faut qu’une forme coure après une autre forme qui court après une autre, c’est ainsi que se construit l’espace de mes expositions. Je parlerais plutôt de mise en scène : l’espace entre les œuvres organise et suscite le désir. Cela sous-entend une trajectoire d’un point à un autre, qui aurait pour moteur le désir d’aller voir et d’être vu. Quand je construis cette mise en scène je confonds volontairement souvent le corps de mes pièces avec le corps d’un regardeur potentiel. Je fais comme si les œuvres étaient capables de se regarder elles-mêmes et de se regarder les unes par rapport aux autres. Il en est de même pour le regardeur — celui que j’imagine —, qui au cours de sa déambulation dans l’exposition, remplacerait une à une les œuvres pour regarder le reste de l’exposition à partir du point de vue particulier d’une œuvre.
L’humour fait partie du processus de travail et provoque une dynamique, engendrée par une mythologie personnelle. L’implicite, les contractions puis le montage des diverses images auxquelles je pense finissent par composer des formes multiples et chimériques parfois drôles. De cette façon est apparu le titre de l’exposition à la Fondation d’entreprise Ricard Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul. Diabolo est un type paumé par et dans son corps-désir. Il est à l’intérieur de lui-même et son corps est son propre diable. Il n’a rien de vulgaire. Au départ, il sirote un diabolo puis c’est devenu son nom, il mâche alors un chewing-gum en pensant au cul. Cela annonce un programme, autant pour moi que pour celui qui viendra voir l’exposition. Ce n’est pas un joli programme et c’est pour cette raison que j’y travaille !
Octobre 2015
Entretien avec Corentin Canesson
Crédits
Crédits photos : © Marc Boyer — Dominique Figarella et Sarah Tritz Expo à Lieu Commun. / © Florian Kleinefenn — Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul. / © Rémy Lidereau — La référence d’objet n’est pas définie à une instance d’objet. / © Aurélien Mole — Le fil d’alerte, Oublier l’architecture, Naturally Obscure, L’œuf et les sandales, Du Fauteuil de mon roi rose. / © André Morin — J’aime le rose pâle et les femmes ingrates / © Lydie Palaric — La moderne. / © Alberto Ricci — Dorothé. / © Maxime Thieffine — La femme de 30 ans, Soleil Froissé. / © Tomayo, L’allée
Réalisation de Sluggo, Le Géant, et Le Moche par Les Ateliers de Production, Marseille
Développement : Guillem Pompidor
Conception graphique : Syndicat
Traduction Français/Anglais : Kirsten Murphy
Stage Fright
Fernanda Brenner
“Orestes: Tell me ladies, did we get the right directions? Are we on the right road? Is this the place? Chorus: What place? What do you want?” – Electra, Sophocles
On my last visit to Paris a year ago, I was struck by a set of five headless puppets. The series, entitled TRISTZ INSTITUTT, was hanging from the ceiling of Le Crédac’s main gallery, as part of the group show J’aime le rose pâle et les femmes ingrates. Curated by Sarah Tritz, the exhibition featured an assembly of her own and hand-picked peers’ work from different contexts—from high profile contemporary artists like Maria Lassnig to remarkable ‘outsiders’ like Paul End—in an idiosyncratic spatial arrangement. “The Institutt is my studio, a place where the sparseness of means brings me total independence”, she later revealed in the curatorial text.
This was the first time I saw Tritz’s work up close and I was immediately taken with those small, clumsy hanging figures. It was a very strange feeling: I had an immediate urge to know their names. Not to read the work titles on the exhibition map, but to call them by their names, as if they could speak up and introduce themselves. On their hand-sewn, pastel-colored turtleneck sweaters, some puppets carried barely legible scribbled notes while others held miniature pendant versions of artworks featured in the group show, like lucky charms. I half expected them to come alive, standing up from their little cardboard stools to greet me like a friend. But they were too tired or too self-enclosed to play host. “Go ahead and see the show for yourself”, their absent mouths seemed to mumble, and I humbly took their advice.
Tritz’s self-implicating imagination was all over the exhibition. “Madame Bovary, c’est moi”, Flaubert famously said. With this in mind, I walked around in search of nonverbal clues about the artist I was planning to profile on this very text. I enjoyed thinking of the threads that brought these works together and tried to guess which were the works made by Tritz. While strolling through the space, I came to realize that my playful approach was in tune with her disregard to conventional connections. If there is a narrative in the show, it appears in piecemel, without the perception of continuity. There are no phrases. Something happens here, then there, and so on, and together the works create an atmosphere rather than a plot. Tritz’s matchmaking strategies pursue, as is often the case in her own work, the entaglement of erotic and cognitive pleasure. The pairing of Liz Craft’s Me Princess (2008-13) with Tritz’s Pulpe Espace (2017), for example, is pure joy, the pieces seem like lifetime bedfellows. Craft’s pinkish (pâle-rose) wacky figure is modeled by hand and bears a rough and hard to explain sensuality, highlighted by the shiny enamel of Tritz’s wall-piece like a sassy magnifying mirror.
My visit to Le Crédac was supposed to be followed by a visit to the artist’s studio a few months later, but—as with every meeting scheduled during the COVID-19 pandemic—it turned into an online conversation and long email threads. As we talked, I couldn’t avoid matching the “headshot version” of the artist on my screen with the bulky, headless bodies I had physically encountered in Ivry-sur-Seine, as in an exquisite corpse game. During our call, Tritz wore big metallic blue headphones and a tall pony-tail, her cool and almost cartoonish appearance was surrounded by paper scraps and photos held by magnets. It was unclear to me if those were project sketches, references or doodles made by her young son; perhaps all of that combined. From my distanced standpoint, it seems that her personal universe and her work inform each other, not in a strictly biographical but in a visual and affective way. This odd situation, of not meeting Tritz in person but developing a quirky emotional bond with her works I saw live, left me with a sort of out-of-sync perception of her practice, in which all the boundaries between online and physical presence, creator and creature, intimacy and self-consciousness, space and time were suddenly blurred. It was as if I turned myself into one of the Tristz Institutt’s inmates.
This fleeting perception of what is real, reminds me of Luigi Pirandello’s Six Characters in Search of an Author. In this early-modernist play, the Italian dramatist describes an eerie situation in which he, as author, is confronted with a disgruntled group of characters—a family of six—and their misfortune. The play unfolds from the encounter between the family, a crew of actors and a director in a rehearsal room. In the preface of the 1921 edition of this metalinguistic saga, Pirandello states that he can’t explain why these characters appeared to him or how they were “born alive”, knowing only that they craved for life and identified him as the one that should fulfill their demand. Instead of shaping the characters’ personalities in accordance with pre-established narratives or allegorical purposes, Pirandello was faced with a hierarchical twist when the self-righteous family appeared: this time, the characters shaped the play and not the other way around, and this makeshift situation left him with no choice but to put them on stage and to see what would happen.To elaborate on his plight, Pirandello mentions the “nimble little maidservant” with whom he says to have a long and bittersweet relationship: Fantasy.
Like the family members brought to Pirandello by his whimsical servant, Sarah Tritz’s anthropomorphic figures don’t rely on narrative support to stand still. For that matter, I would say that other than a dramatist, she is a sculptor of characters. Unlike Pirandello, Tritz seems to be at all times in good terms with Miss Fantasy, as she isn’t trying to hold her captive or tame her. The two of them are more like ‘friends with benefits’ that can easily navigate between dirty and small talk and cannot be bothered by the emotional turmoils brought by existencial quests or, in other words, by the fiction versus real-life conundrum that haunts the participants of the Italian play. On the contrary: Tritz is interested in flatness, in one-dimensional characters that are what they are, which becomes a delightful paradox when we talk about sculpture. Her characteristic, straightforward humour and deadpan style can be best observed in her more cartoonish figures like the short-legged and not-so-happy smiley Emoticon (2015) and the severed head and legs of Sluggo (2015), borrowed from an American comic from the 1930s and tweaked by Tritz for her solo show at Fondation d’entreprise Ricard in 2015.
Sluggo’s genealogy traces back to what curator Claire Moulène called the “mystery guests” of Tritz’s practice, alluding to her myriad references and the cultural markers of art history that often offer a starting point for new work, or offer ways out of formal impasses, as the artist puts it. I later found out that Tristz Institutt’s puppets were given monikers: Nicole, Ode, CATHY, JILL and Rainn-Gene, confirming my initial intuition that, instead of naming them with regular artwork titles, they were baptized. While a great number of Tritz’s previous works have famous godparents and cultural ballasts, the puppets stand for themselves. Phrases don’t catch them, theories don’t hold them, they have no practical use. Like Pirandello’s characters, the Institutt’s inmates are trapped in the parallel time of the studio and in their own mindsets.
Sarah Tritz’s figures from the past two years have simpler features and at the same time are more enigmatic. Their nonchalant and self-enclosed presence in the exhibition rooms make up for the eschewal of a plot; their given titles—or names—are the only tip we ever get. Elle (2019), a wooden casket-like faceless women’s bust, for instance, holds a secret. Elle is both a first name in English and a personal pronoun in French that means ‘she’. A small doorknob is found on the back of her head. To access Elle’s inner content, the public must peek in at their own risk, there’s no official permission to ‘activate the work’. I did it. Cracking her open made me feel as if I was swept in too close, and my own red sides were exposed, or worse, it was like catching your parents having sex. It was a quick transgression but gave me enough time to spot the rough line drawing of a copulating couple living inside that big wooden head. The twosome looked stiff and schematic as if it was engaged in perpetual intercourse. Their bodies were underscored by a child-like scribble reading: MIAMAIMIAM—the juiciest onomatopoeia of them all—lending the drawing a claustrophobic and dizzying straightforwardness. To a slightly naughty mind, the sheer pairing of the words elle + casket + secret door-knob would be enough to create a mysteriously sensual atmosphere, but Tritz leaves no room for foreplay. Elle’s flirtatious mood vanishes as soon as we pull the door-knob, as if turning on a white fluorescent lamp in a dark and sweaty dance floor. The work is indeed a vessel meant to be opened and closed—a banal action which becomes political here insofar as it determines access to and between bodies. I would hesitate to invoke penetration, but Tritz herself deploys the term, moving away from the hermeneutics of eroticism when talking about her work’s undeniable sexual presence: “I’m convinced of the link between learning to write in capitals and the origin of eroticism in children. It is taking possession of writing and then language like one takes possession of another’s body or of pleasure”, Tritz says. Her meager means of production and the raw approach Tritz employs in some of her most recent work square up to the most primitive libido, placing her work in the gap between a babble and a recognizable word.
Applied Briécologie or Language is a (computer) Virus
Language and desire are in fact a complicated mix when it comes to human interaction. People are constantly sheltering themselves under the umbrellas of their limited language, and their world is written on the undersides of these caps. Desire, instead, opens multiple ambiguous pathways to meaning and misunderstanding. Just add a dose of uncouthness to that muddle and you get the Theater Computer series (2019). Made from leftover packaging cut-outs and doodles—“briécologie” as Tritz puts it—these anti-tech juxtapositions bend kindergarten aesthetic choices into acid social commentary. The cardboard screens are ‘on’: ‘playing’ a never-ending loop with unexpected explicit content, as if it was left behind by some random pervert who forgot to log-out from a public computer. On one of the computers we see an adroitly positioned pizza slice melting into a bare crotch that leads to the prescriptive portmanteau title of the piece: Pizsex Lèche (2019). Pizza-plus-sex-plus-lick equals fast-track satisfaction, final stop. Tritz’s keyboards don’t have enough characters to structure intelligible sentences or to ignite the search engine that leads one to the broad and easily accessible planet of online pornography. We have no agency over the content provided to us by the artist, like television in the 90s. This change of pace prompted by online communication/interaction had a massive impact on the way we communicate and perceive reality and physicality. To be online is to be immersed in a never-ending scroll of content; a continuum with no catharsis, and to craft—and control—a persona, however much it resembles (or not) one’s ‘in-real-life’ self.
As I said before, Sarah Tritz is a sculptor of characters, not avatars. Her self-implicating presence—more subliminal in other works—takes the forefront in the Theater Computer series. The fragmented naked bodies we see are actually homemade, crude snapshots of the artist’s most intimate parts, deliberately scrambling the roles of the exhibitionist and the voyeur, or the consumer and the producer of visual content. What matters here is the box, the whole computer, there is no hierarchy between her own image, appropriated content and the packaging cutouts.
“Make-Believe! Reality! Oh, to hell with the lot of you! Lights! Lights!”, the Director shouts at the characters and actors, all gathered on stage in the final pages of Pirandello’s play. In times when ten billion fingers are fumbling away, anxiously typing WhatsApp messages, taking selfies and tweeting their minds, the author’s obsession with the making of identity and personality, multiple viewpoints and the relativity of truth is very up-to-date. In other words: we understand less and less about the mechanics of the world as these powerful technologies assume more control over our everyday lives and our own psychology. Is there a way out? Lights to be turned on? I have a strange feeling that Sarah Tritz’s anti-utilitarian dysfunctional computers might hold the crack-code to something ominous and deadly earnest: the future.
“Of Bodies Changed to Other Forms I tell”
When I met Sarah Tritz digitally a few months ago, she told me about the drawings she was working on while self-isolating with her family, and more specifically about the “jackets” (My Jacket #1 YOU/UOY and My Jacket #2 My Nose/Your Nose, both 2020). Like Tritz’s most recent experiments in ‘briécologie’—i.e the Theatre Computer series or Le Train Rouge (2019)—, the jackets might have an eccentric DIY feeling, but are in no way naive. By the time we spoke, she was collecting all sorts of packaging and stationery that passed through her hands. In the garments made by the artist (referring also to Tristz Institutt inmates’ little suits), memories and personal references are like scraps fished out of the shredder and—along with the leftover cardboard and textile patches—reassembled into mad-house couture. I recall that I was wearing flannel pajama pants—as I had been doing indiscriminately for way too long—when Tritz showed me her work in progress through the screen and the exquisite-corpse game suddenly reemerged in my head. This time I couldn’t avoid mentally matching my dull and somewhat embarrassing home-wear with the fabulous papercut jackets she was showing me. This fun pastime took me straight to a Rei Kawakubo catwalk. The renowned Japanese designer has always fascinated me. Her approach to clothes-making is the result of an insistent questioning around how to be a woman in the world, rather than following a trend-oriented fashion. Like Tritz’s jackets, the wearability of Kawakubo’s catwalk garments is not the point. For over four decades, the designer has been pursuing a kind of beauty that is free from the clichéd ideas of sexuality, good taste, and other constructed norms. Kawakubo’s mischievous oversized tear-down sweaters, inspired by the Buddhist concept wabi-sabi, and lumps-and-bumps getups (thinking about her iconic ‘Body meets dress, Dress meets body’ collection and the costumes for Merce Cunningham’s Scenario, both from 1997) exist within and between dualities—whether self and other, object and subject, art and fashion, East and West.
Since she started working professionally fifteen years ago, Sarah Tritz has been playing with multiple standpoints, myriad references and advocating for the hybrid in her work. Following a similar path than Kawakubo’s to shape her ‘body-stories’, Tritz combines sometimes sophisticated and complex materials and techniques that require external assistance, like bronze and structured aluminium, with other materials with more humble origins and that can be easily manipulated, like cardboard and multicolored markers. Regardless of their size, media and the complexity of their making, all Tritz works share a rough sense of humour and an often malicious approach to corporeality and its representations. For years, she has been pursuing—in her own and in other’s work—the many possible answers to the question of what a body is and what a body can do. In Tritz universe, what might look like simple resourcefulness or the product of self-taught spontaneity is often the outcome of her eclectic, surgically picked and irreverently assembled repertoire; from childhood memories in Parisian suburbs to elements from art and design. Her sources range from Art deco furniture (in works like Mon Buffet (2019)), to Jannis Kounelis’s typography (referenced in Notte, 2017), passing through Egyptian grave treasures, the 1930’s women-shaped bronze door knobs of Musée d’Art Moderne de Paris and her teaching experience at École nationale supérieure des Arts Décoratifs.
While Tritz is invariably full-frontal in her practice, she doesn’t set out to persuade viewers to suspend their disbelief but instead to introduce a measure of reverie into daily life. Every character created by Tritz is also a more or less explicit commentary on reality as well as a projection of who she wants to be at that point. Dorothée (2014), for example, somehow personifies the friction between Paris’ glamourous bourgeois past and the often brutal reality of its contemporary multicultural version. In Tritz’s words: Dorothée is a young girl with messy hair who loves necklaces. She is homeless but she stands proud on a fancy pedestal, made of oak and colored plexiglas. Made out of a porcelain vase decorated with paintings and necklaces, and blonde, matted hair tied with brass wire, Dorothée could be an aristocrat and an anarchist, someone who has lost her money and her freedom but who hasn’t lost her nobility.
Whenever someone slips their arms through the non-existing arm-holes of a Rei Kawakubo’s garment, they start walking hand-in-hand with the person who created it. Likewise, Tritz’s character-sculptures embody a fleeting sense of intimacy shared between viewer and author, their humble materiality and self-assuring presence is inviting but treacherous at the same time. You cannot wear those clothes and see those works and walk the same way, they make you aware of your own body and the place it occupies in public space. Like Dorothée or Paris, we all have many versions of ourselves but some things never change. You can choose to be an anarchist, but never an aristocrat.
The Body as a Cracked Vessel
While we were speaking about the aforementioned unfathomable question of what a body is and can do, Tritz brought Barbara Hammer’s work to the conversation. The American artist’s pioneer approach to the queer body in the experimental erotic films she made in the 70s is outstanding, as Hammer notices herself: “I was lucky when I made Dyketactics (1974) I didn’t realize that it was the first lesbian film made by a lesbian”11. “Instead, I just burst out and let my energy carry me through my work.” The film drew from footage of naked women in the woods of Northern California, and of the artist having sex with a friend, to create a multilayered frenetic audiovisual collage. To watch Hammer’s films is like following a gymnast performing a floor routine, and I could say something similar of Tritz, whose collages and drawings are guided by her own vitality. She vaults and tumbles materials and ideas in the air and sticks every landing. Both artists lay bare the modus-operandi of their practice, in which the biographical is underscored by conceptual language and entangled imagery from multiple sources unfolds into—more or less explicit—sensuous romps. Sarah Tritz’s practice also meets Hammer’s in its investigation of the relationship between raw sexuality and the origins of language. What Hammer says about her personal energy being the work’s ignition, is to me the perfect entry point to Tritz’s untamed works on paper; which is the utmost result of thorough studio practice with a high-dose of mental agility and improvisation. Revisiting work like Hammer’s—and also Rei Kawakubo’s—in parallel to Tritz’s recent practice is a timely reminder that the body itself and the social conventions around it are something forever unfinished and open to change. These three women—from different generations and contexts—are ultimately questioning notions of what is sexually alluring and what is grotesque, particularly within the imposing Western vocabulary and its corollary.
In the second act of the aforementioned Pirandello play, one of the characters, The Father, prompts a heated argument about the commonsensical use of the word illusion as a vulgar opposition to what is perceived as reality. He claims that men’s reality is fleeting, always ready to reveal itself as illusion, whereas the character’s reality remains fixed in the timeless reality of art. Sarah Tritz told me that the reason the puppets in Tritz Institutt have no heads is that she couldn’t find a way to make them so she just let them be without. I am very keen on the idea of not trying to attach a head on anybody’s neck. At the same time, I also believe that heads can be replaced and amended. I feel this is precisely where we are now, all trapped in a stranger-than-fiction limbo and—like Pirandello’s six—we are being confronted with layers of conflicting stories, while feeling stage fright and craving for a plot-twist.
Hello One and All (The Arranged Marriage)
Act I: The Front and the Back
Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul (Diabolo ¬ Chews Gum in the Rain ¬ and Thinks About Sex). The taciturn little character at the centre of Sarah Tritz’s solo exhibition this winter at the Fondation d’entreprise Ricard is dead bored. He’s bored and therefore, logically, he’s thinking about sex. However, you won’t find out a lot more about this small man who can’t see much further than his reified name and his wandering thoughts. He’s a phantom, a trompe-l’œil. For if each sculpture, and more so, each character, that populates the world of Sarah Tritz serves as a banner, it is also a scarecrow, that confuses the viewer and holds her at a distance. These wiry puppets have no depth. The artist refuses to inscribe them in a dramaturgy which would take them beyond their own small closed-in world, described at best in fragments, in the brief haiku form, with the minimal association of a title: La Blonde (The Blonde), Ma travestie au repos (My Resting Transvestite), Sainte Sébastien (Sainte Sebastian), L’homme qui court (The running man), Figure allongée (Reclining Figure) etc. This is not to say there is nothing to look at; they are often very carefully fashioned, or rather draped. Their adornments of threads, strings and wire, assembled fringes and colourful talismans, offer a wealth of detail to the eye. Yet there is an obvious front and back to them the artist makes no attempt to hide and this interrupts any illusion. From the front, a vaguely anthropomorphic form evokes the possibility of a narrative suggested by the title. From the back, which is easily accessible since Sarah Tritz conceals nothing of the way her works are made, they are the result — the exhibition — of a studio practice, of the artist’s hesitations and lucky strokes. They are the sometimes fortuitous, systematically patched up translation of a thought process that proceeds by rebounds and repercussions in gesture. Whenever technical questions come to the fore and intrude on her thought process, Sarah Tritz relies on the assistance of skilled craftspeople, as she explains, to avoid falling into a “form of labour” that would slow her down. This mental agility which is also a way of working, since it is immediately projected or transferred to the objects and materials the artist is manipulating, inevitably brings to mind Levi Strauss’s bricoleur in The Savage Mind, who first attempts to understand what each of “these heteroclite objects that make up his treasure” might mean. One also thinks of the film editor or sound engineer who must compose with a large quantity of elements (sound, image, colour, temporalities) and play the wide angle, keeping in mind the whole image of the film he is making, while paying attention to the multiple details and surprises taking shape on the screen.
Decked out as they are, through the result of chance technical discoveries, a balancing act and some know-how, through a form of serendipity in fact, they make no claim, beyond their physical specificity (a question of either pomp or scale, crucial for the oversized characters, like the rightly-named Le Géant (The Giant) or miniaturization, if one thinks of the delicate door handles in bronze in the shape of women’s bodies the artist has just created) to any form of psychological depth. They are the incarnation of, or rather the reduction to, a character trait, a style. The artist remarked in a interview during the preparation of this book: “I like the idea that they (her sculptures) would perform as a ‘one-person show’ on their own. I would like to have the capacity to embody different beings, which are almost caricatures, and in themselves a sort of caprice. Caprice as a form of humour. The ‘one-person show’ I’m thinking of would be like the verbalization of different mental landscapes”.
That does this mean? To what tradition can these caricatural sculptures be related? Sarah Tritz’s awkward silhouettes certainly have something to do with the illustrations of the nineteenth century lithographers, who, from Daumier to Doré flooded the satirical press (La Silhouette, La Caricature and above all Le Charivari) with their devastating portrayals of political figures. Except that where the caricaturists loaded their portraits, exaggerated the traits, and weighed down their victims with unflattering details, thus fulfilling the prophesy of caricatura (from the Italian carricare: to load, to weigh down a cart), Sarah Tritz, on the contrary strips and whittles her counterfeits to make scrawny figures for whom the repeated use of wire is a sort of index. And when she ventures, as she does for the first time, into the realm of three-dimensional sculpture in the flesh — or rather in wood — it’s paradoxically when she takes an interest in the flatness of comics, representing Sluggo, a frumpy, potbellied young man from a fifties comic strip.
Thus, in Sarah Tritz’s figures, a fertile contradiction is at work. It consists of stripping away in order to take aim and in a sense dissimulate the cohort of mystery guests that her, in the end, densely populated works, trail along behind them. In other words, as Balzac said in 1834, to explain the ubiquity of his “woman of thirty” in the eponymous novel but also the six tableaux that compose the “same story” cycle, “what unifies a text or a character is neither ‘psychology’, nor the possibility of identification, but its capacity to function as a place of convergence and a means of detachment”.
Act II: The Mystery Guests
Whether joyous or melancholy, they are almost always emaciated, hanging by a thread and without substance. Yet Sarah Tritz’s mannequins paradoxically conceal a certain density due to a historical and aesthetic stratification the diet the artist has put them on never totally masks. They are still the distant relatives of the works at their source, the illustrious or obscure ancestors that inspired them.
Sarah Tritz’s work often proceeds by reclassification — the reclassification of objects without qualities produced with commonplace techniques and know-how (if one thinks of the low tiled walls that she erected in her exhibition at the Parc Saint Léger to delimit spaces, or the immense fresco in dingy yellow stucco that she had made for that show, inspired by the mural paintings in train stations or the lobbies of high-rise buildings) but also, more surprisingly, that of a myriad of citations and cultural markers from art history which, because of their origin, presumably had the potential for many forms of reintegration or second life. With the fertile approach she takes, be it to door handles, the frames and plinths of museum scenography, an early work by Picasso, or a delicate wooden model by Giacometti, the artist puts into practice operations of extraction and fragmentation which are simultaneously resolved in the montage of her sculptures, drawings and collages.
“It is within these breaches that I include the perception of the spectator, and it is through the mental gymnastics this imposes that I think the spectator becomes active.” comments the artist, who, by zooming in on forms and practices in art history, reassigns a new place to these productions, detached from their original context in order to place them in a more opportune environment. An ornamental pocket knife, in the shape of a shoe with its small blades pointing at the viewer, is given a second life by being set like an appendage on a brass sculpture that simultaneously evokes both a musical instrument and a stretched-out magazine holder Le Teckel (The Dachshund), is the incongruous title of this small work in stainless steel that she showed in 2013 at the Parc Saint Léger). Remarkably, Sarah Tritz proceeds in exactly the same way when she is “salvaging” or taming a Picabia, an Artaud or a De Chirico. By citing these tutelary figures, as she does in all her works — without real aesthetic anchoring even if they do seem to belong to a network of familiar signs and forms in the sense that they belong to the same family — the artist invites them into her home, so to speak, where they take place on the mantlepiece beside the vase. This is said without a trace of cynicism, a notion totally foreign to this truly cultured and sensitive artist.
This is how we should view her reinterpretation on a large scale of a small spidery drawing by Antonin Artaud, in a sculpture at the Parc Saint Léger baptized Le Moche (The Ugly Man), or the sculpture by Giacometti we mentioned earlier that Sarah Tritz first chose for its title, Le palais à quatre heures du matin (The Palace at 4 a.m.), before presenting its amplified, fantasy double across from a concrete block resting on a mattress, soberly entitled L’après-midi (Afternoon).
There is a restlessness about Sarah Tritz, something she once alluded to while evoking the figure of Pessoa, himself an adept of disguises and camouflage, with his sophisticated system of heteronomy. “The memorial process is something that in general goes on without my knowing about it. Either art history roams around the studio of its own accord, or, it’s true, I call on it to get myself out of a formal impasse” remarks the artist, as a way of explaining the stylistic breaches behind these totemic figures that underlie and structure her entire body of work. It is on this ramified system of branches and coincidences that the bony characters of Sarah Tritz’s bestiary rest. It is in this dense and precise mesh that the artist, gifted with a capacity to see things “one by one”, sifting through art history to select one drawing, painting, or fragment, plants La Travestie (The Transvestite), Le Moche (The Ugly Man) or La Blonde (The Blonde), all the better to foster their independent development.
Act III: The Arranged Marriage or the Lover in the Closet
The couples and threesomes that make their appearance in Sarah Tritz’s miniature theatre are combined according to categories, not so much of sexual identity, but of a taxinomy of species, just like the flesh and blood characters of the great theatre which is life. Some will travel far in the good company they have found, while others have no choice other than to make do with their lot. Nevertheless, this mismatched little troupe make a good show of it in the exhibition. Le Moche (The Ugly Man), La Blonde (The Blonde), Le Géant (The Giant), Sluggo, Diabolo, all these characters in Sarah Tritz’s cast were chosen for their particularities and their dissonances. Like de la Bruyère’s “The Characters” or the plays of Molière, they are the incarnation of a character, a penchant or a physical particularity that sticks to them and suggests that what counts the most is the way they present themselves, in good or bad company. We come back to the question of marriage, forced or chosen, which is posed by Sarah Tritz’s dissonant troupe. These arranged marriages, proceed directly, as we saw, from an operation of previous selection that the artist has made from the playing cards of art history.
We cited “The Woman of Thirty”, a novel written by Balzac just after the 1830 revolution, for at least two reasons: Sarah Tritz’s used a slightly modified version of the title for her 2013 exhibition at the Florent Tosin gallery in Berlin, “A Woman of Thirty”, and she has spoken, on several occasions, of her passion for nineteenth century literature of manners. The novel opens with the following scene: in April 1813, somewhere near the Tuileries, a young woman whose “white and rosy complexion was heightened as much by the reflections of the pink satin that lined an elegant overcoat, as by desire and impatience”, is walking arm in arm with an old man who turns out to be her father, but who we first mistake for her lover. He purposefully maintains this ambiguity in the eyes of passersby who are thrilled by the incongruity of the pair. This opening scene is symptomatic of a long literary but also pictorial tradition (if one thinks of Charivari or, in the same line, of Carnival, which at once served to stigmatize mismatched or adulterous couples but also celebrated social disorder and the inversion of power). Sarah Tritz’s intuitive interest for nineteenth century literature, from the Goncourts’ novels to the vaudevilles of Feydau and Labiche, to the multiple representations of the world on its head that were so popular in that century, is a testimony to how she proceeds in her own work. Through her use of figures from various cultural milieus (as one could say of social classes) — Surrealism, the decorative arts, assemblage, and even cheap comics — but also through the very bold form of anachronism she puts into practice, she is able to regroup multiple sources which in principle, have no basis on which to interact. She thereby constructs a sutured but saturated background whose contrary voices foster the emergence of a new language.
Although Sarah Tritz’s works, taken one by one, might appear inexpressive and dry, like solitary showmen whose dialect is limited to a single tone, they drag a collection of clanging pots and pans from the history of art and of forms behind them in a silent rumpus. Their chance, adulterous encounters, fostered by the phantoms that joyously haunt them, bear witness to a great artistic charivari.
Claire Moulène
1 Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬
et pense au cul (Diabolo ¬ Chews Gum in the Rain ¬
and Thinks About Sex), Sarah Tritz. From Tuesday 24th November
to Saturday 9th January at the Fondation d’entreprise Ricard.
Cata-scata, The Ugly Man’s One-person Show
Notes on a Sculpture by Sarah Tritz
“For the last four years, I’ve been making figures half way between characters and sculptures. I really like the idea that they will perform as a ‘one-person show’ all on their own.”
This comment by Sarah Tritz in the interview in this catalogue deserves our attention. The recourse to the theatre in order to discuss sculpture is by no means straightforward and in reality poses a certain number of questions. How should we understand this idea that her sculptures are half personifications and could be considered “on their own” as performing a humorous monologue? What kind of sketch would they do for us? How does this notion modify our perception of the works?
The term one-person show can refer to many different situations — to American stand-up comedy, for example, the sort of show in which the comedian, alone on stage, without accessories or costumes, pretends to improvise, telling stories from everyday life, in a very direct rapport with the public. In a less humorous style, it evokes the public rants of the English Speakers’ Corners. A “corner” — the most well-known being the one in Hyde Park in London — where anyone who wishes to can have their say, giving a public forum to the most eccentric, radical and provocative opinions. There is no platform or podium as such and each speaker must find her own way of hoisting herself up a few centimetres in order to make herself heard.
For our purposes, we’ll consider the one-person show as situated somewhere between a stand-up and Speakers’ Corners, a precarious and voluntarily eccentric art form which obliges the speaker to multiply gestures and anecdotes in order to capture his audience’s attention, making himself heard with minimal means, in the hopes of leaving behind the condition of anonymity and existing publicly, if only for a moment: what Rupert Pupkin, the antihero who would do anything to perform just one sketch on T.V. in The King of Comedy by Scorsese justified in this way: “Better to be king for a night than schmuck for a lifetime.”1
The Schmuck’s Face
Oxymorons appear repeatedly in Sarah Tritz’s visual and poetic language – one has only to think of her first solo exhibition entitled Un Joyeux Naufrage (A Happy Shipwreck)! This is a way of creating a connection between the à priori antithetical terms which are inherent to the creation and installation of the sculptures. In her exhibition at Pougues-les-Eaux, a monumental sculpture, Le Moche (The Ugly Man) was positioned as a focal point in the nave. Placing an “ugly man” at the centre of attention is a challenge of sorts to our sense of decorum. The royal schmuck is incarnated in the majestic Moche.
Le Moche is undoubtedly the most anthropomorphic work in the artist’s sculptural corpus. A head with a prominent nose, resting on a body with at least one arm and one leg, can be easily identified on this three-metre high sculpture. The artist first made a cardboard model before having the aluminium piece made by a craftsman. As he had been instructed, he copied it exactly including the paper honeycomb structure of the cardboard, visible on the edges of the different sheets. This internal sinusoidal line is perceptible, like a sandwiched ruffed collar or a succession of harlequin diamonds, and brings a subtle carnivalesque dimension to the sculpture. In this detail, there is a feeling of a reversal of values, of a disguise.
This passage from cardboard to aluminium is equally a paradoxical way of perpetuating the humble origins of the original material and this material paradox is doubled by a second formal paradox. Although it is placed at the centre of the space on a round plinth that suggests that one should walk around it, the sculpture doesn’t really have a face. Made out of flat sheets, it has only one real profile, like the life-sized pictures of stars printed on cardboard that one sees in shopping malls or movie theatres. Le Moche seemingly has only two dimensions, or two and a half, if one counts the rough articulation of the arm and leg. It must also be said that the sheets, because they are slightly slanted and off-kilter, give one the sensation that a gust of wind could cause the whole structure to collapse to one side.
The Cane and the Proboscis
Sarah Tritz took her inspiration from a drawing by Antonin Artaud, Le Totem: a thin, rigid figure in profile, balancing on one leg, the other bent, amputated and bloody. It doesn’t really have a face either, unless it is the flat shape that seems to be “inside-out”, looking inwards. The top part of the drawing ends in a sort of curve that freezes this body in an oblong, bowling-pin shape, or rather, if one reads the specialists, a cane shape, the round part resembling a knob. We know of the mythical, even magical importance of the cane for the poet: he had a knotted cane in his possession he said he had obtained from a Savoyard wizard which he believed to be the very cane of Saint Patrick.2
A long soft proboscis marked with red floats out from the knob towards the outside, horizontally. A disproportionate nasal growth, that could even be associated with Alberto Giacometti’s Nez (The Nose), the first version of which dates from the same year, 1947. Although there is certainly no direct connection, it is curious that the drawing and the sculpture share the same profile view, a totemic, magical character, and this appendage that feels around for the outside — remember that Giacometti’s Nez sticks out of the cage that surrounds the head. But Artaud’s tube is rough, almost pathetic. Contrary to the sculpture, it does not transpierce anything — it is much too flaccid for that. It looks more like the proboscis of an insect, feeling around for something to feed on.
This entomological character is accentuated by the line, made of quick hachures, as if the skin was made up solely of one dense tonsure — a contour clumsily executed “so the eye that looks at them will fall out” and which makes one feel the figure is trembling. “Why does the painter deform? Because the model in itself is nothing, but the result is everything the model implies about humanity, everything that, through the model, can be said of life stormy and frightened, anguished or becalmed.”3
Ugly Mercury
Let’s come back to Le Moche: on becoming a sculpture, the vertical insect seems to have acquired vertebrae. The cane has become serpentine. Its posture, balancing on one foot with its hand in the air, might give the impression that the heavy Moche thinks he’s Giambologna’s slender Mercurio. As for the proboscis, it has been shortened and thickened to become a faucet-shaped nose. Giacometti recedes into the distance here and the sculpture has a much more grotesque and caricatural quality than the vibrant Totem. This is reinforced by the presence of a mouth with the trace of a smile, which is absent in Artaud’s drawing. The amputated foot of the drawing is no longer in the sculpture. We must add to this list, the pink that S. Tritz has substituted for the blood red of the original drawing. A fleshy pink, cut through with a few veins. While Artaud’s colour seems charged with a strong symbolic dimension, “pushing through” only in certain places, S. Tritz’s thickly applied pink is much more carnal, almost erotic. The flesh here is undressed rather than wounded.
The unprepossessing profile of an anteater, dubiously put together, an inappropriate pose, a suspect grin, and now this flesh on show, all of this placed at the centre of attention: we’re approaching indecency or even obscenity. Yet the feeling remains that behind this aluminium sketch, something more tragic is going on.
Kisch mir in tokhès!
In 1967, Gallimard published The Dance of Genghis Cohn by Romain Gary. The narrator is the dybbuk4 of Genghis Cohn, a Jewish comedian exterminated by the Nazis who haunts the subconscious of the former SS who commanded his firing squad. By taking a comedian “who was once well-known in the Yiddish cabarets” as his hero, and having him play with his “host”, notably by making him learn Yiddish and celebrate Jewish festivals, R. Gary wrote a true curiosa, daring to introduce humour into the literature of the Holocaust for the first time. The book begins exactly like a one-man-show. The comedian introduces himself before maliciously describing his relationship with the former Nazi, who is now the only witness to his apparitions.
This “possession” of the officer by Cohn’s dybbuk4 happens just after the latter’s execution. From the bottom of a hole where he is waitng to be shot, Genghis Cohn makes a gesture that will mark the SS officer forever: “He turned his back to me, he pulled down his trousers, he showed us his naked ass and he even had the time to yell Kish mir in tokhès!(Kiss my ass!) before falling. Real chutzpah, incredible nerve…” The comedian comments: “I’ve always wondered what made me show my naked bum to the representatives of the Herrenvolk at a time like that. Maybe, I had a premonition that one day the Jews would be accused of having let themselves be massacred without resisting: so I used the only — certainly purely symbolic — arm that we had maintained more or less intact throughout the ages and that I was on the point of losing. I could do nothing else. Jumping out of the hole, throwing oneself at the SS and running the risk of being shot down in the process, was out of the question: the hole was too deep. Yet, I felt the need to express myself. Before being shot through the heart, I still wanted to manifest myself, to send a message to Germany, to the Nazis, to humanity, to posterity.5 In the midst of the screams and pleas, when condemned to an imminent death, the scatological and sexual insult, the Yiddish “punchline”, has such force that it opens up a sort of eternity to the person who proffers it. “I have a good sense of timing: I know exactly how to choose the moment when the khokhme, the wisecrack, or the visual effect should come off.” the Jewish comedian comments a bit earlier in the book.
Apart from the fact that a lucky phonetic coincidence connects R. Gary’s hero, whose true name is Moïché, to Le Moche, it seems to us this idea of ultimate outrage before oblivion is also present in S. Tritz’s sculpture: was not the last work in the Pougues exhibition a sculpture of a bottom? Coming back to Speakers’ Corner in Hyde Park, we can now point out that it has its origin in the public executions that took place there in the London park between the sixteenth and seventeenth century. This public speech is in fact derived from the last monologue of the convict before his death. In the end, the schmuck is crowned only once he’s on the gallows.
Cata-Scata
For another of his drawings, Couti l’anatomie (The Anatomy Ploughed), Artaud coined the phrase “cata-scata” that Jean-François Chevrier analyzed in the following way: “As to cata, associated with scata, scatology, it is another Greek element, which enters into the composition of words like katastrophe. Kata signifies “from above downward” or simply “downward”. The body can only be remade, can only stand up again like a tree, if it first concentrates and hunches down, forms a block, a box, on the ground, low, here below.”6
The last sentence with its prophetic accents, could equally apply, in another context, to Genghis Cohn, the resuscitated comedian and, by ricochet, to Le Moche, the insurgent schmuck. Two bodies on stage, on the point of vanishing, who have made an art form of this “cata-scata” relationship. Although the tragedy of their imminent extinction could provoke our compassion, they’ve opted for an obscene comedy to express themselves arrogantly one last time. In the end, they don’t give a damn about deserving the viewer’s affection, or praise for heroism. They simply want to ensure they will be king for a night.
Paul Bernard
Interview with Sandra Patron and Franck Balland
Consisting mainly of new pieces, Sarah Tritz’s solo show L’œuf et les sandales (The Egg and the Sandals) which took place at the Parc Saint Léger between March and May 2014, was the beginning of a certain number of evolutions in the artist’s work.
The following interview between Tritz, Sandra Patron — currently director of MRAC in Sérignon, who curated the exhibition while she was director of the Parc Saint Léger — and Franck Balland — in charge of programming exhibitions and projects outside the centre — builds on the discussions that began at Pougues-les-Eaux.
SP It’s been almost a year to the day since the closing of your exhibition L’œuf et les sandales (The Egg and the Sandals) at the Parc Saint Léger and for various reasons, we haven’t really had a chance to talk since then. You’re in the process of preparing for an exhibition at the Fondation d’entreprise Ricard for contemporary art this fall. I wondered if there was a way to connect these two exhibitions, one of them already behind you, the other still evolving. I’m thinking in particular, of the drawing by Artaud that inspired your sculpture Le Moche (The Ugly Man). It was the focal point of the spatial organization at the Parc Saint Léger. The change in scale in you sculpture seemed to me to have changed the way you envisaged the exhibition space. Will questions of scale and space be as important at Ricard? Like Artaud, what you look at is a primary influence in your work. My second question, out of simple curiosity, is very straightforward: what are you looking at at the moment? Who are the artists and what are the places and works behind the Ricard exhibition?
ST The exhibition at the Fondation d’entreprise Ricard will be constructed – at least for the moment – around two figures: Sluggo and Le Géant (The Giant). Sluggo comes directly from the eponymous character in the American comic strip Nancy, which was renamed Arthur & Zoé in France. It was created in the thirties by Ernie Bushmiller and ran into the sixties. Le Géant has as its source a drawing by Max Ernst, Figure Humaine (The Human Form), from 1931; it is contemporary to Sluggo but originates from a completely different context. The two styles of representation are very different but in both cases, the synthetic simplicity of the drawing leads to an immediate recognition of the shapes represented. This is a characteristic shared by Pop art and primitive art. By making Sluggo and Le Géant in three dimensions and in a different scale, I want to give substance to images/drawings and therefore to characters. I want to amplify the stylistic divide between them, while conserving their common visual efficiency. These two sculpture-characters have no have psychological depth. They are not part of a narrative. They simply each have a manner of existing and a style of their own. Sluggo will be sculpted in linden. It will be small, about 90 centimeters high, like a dwarf or a very chubby three-year-old! The opposite of Géant, which will be 3 meters high and made of partially painted aluminum. These two sculptures will be made by the Ateliers de Production in Lyon. The other works
in the exhibition will be installed in relation to these two “characters”.
The exhibition as a whole will treat the representation of the human form. Over the last four years, I have regularly made figures that are half way between characters and sculptures. I like the idea that they (her sculptures) would perform as a “one-person show” on their own. I was also inspired by the door handles of the Musée d’art moderne de la Ville de Paris which are bronze bas-reliefs representing nude female figures, surrounded by an art nouveau decor. I realize that I’m again taking my inspiration from the thirties — these handles were made in 1937. I find these bas-reliefs very beautiful and also find the idea of taking hold of these women every day very interesting — all the more so as it would be inconceivable as an architectural proposition today! So I’ve decided to almost copy these women-handles, first modeling them and then casting them in bronze. I’ve stripped them of their function in order to concentrate on the stylized representation of the nude in the thirties. I say they are stylized in that the initial model is itself a citation of ancient Greece. The bas-reliefs are relatively small and they are made to be hung on the wall. So there will be notable changes in scale in the exhibition.
These characters are also a pretext to create various representations of the human form, which enables me to create stylistic breaches. It is within these breaches that I include the perception of the spectator, and it is through the mental gymnastics this imposes that I think the spectator becomes active.
FB I would add Ferdydurke, the novel that Witold Gombrowicz published in 1937 to the list of works from the thirties. You had wanted to make it available to the public for the duration of your exhibition at the Parc Saint Léger. There again, but this time in a literary mode, the author uses a form of stylized, grotesque representation to portray his characters. Thanks to Gombrowicz’s many commentaries on his book, we know the extent to which this use of the grotesque enabled him to attack a certain bourgeois conscience. I wonder what remains of this when you borrow this stylistic procedure in your own practice; more than a simple formal citation, can it be seen as a way of opposing a certain “good taste” that is current in contemporary art?
ST You have to be suspicious of good taste when it means a loss of experience. As everyone knows, it’s easier to avoid perceptive experience than to accept it and commit to it by immersing oneself in a situation. If we accept the experience of forms, we are able to sense what’s going on and then analyze it later. In the end, bourgeois conscience attempts to neutralize the experience of life itself, for example by eliminating the moments of doubt when neither the body nor anything else has a response, when we have no program, and we can ourselves become grotesque. And in a way, this is scary. One of my latest sculptures is called Flip (Scare), precisely, and it’s about that — fear of doubt. You are certainly right to mention Gombrowicz who, through a very cruel humor, violently criticized the lack of responsibility of his compatriots towards life. Joseph or Jojo, the main character, observes the mask of “good taste” worn by those who live with him. The bourgeois conscience of Ferdydurke is that of adults who want to convince themselves that children are innocent. As a result, the children become filled with an incredible aggressiveness, as if they were were carrying the weight of their repressed sexuality, obliged to keep their drives locked up. It’s this mask of good taste which forces adults to talk to the children as if they were incapable of understanding. Gombrowicz is denouncing a bourgeois ideology that is filtered through “good taste”.
This being said, I also have prejudices. I am sometimes afraid of the unfamiliar. I am not without a certain good taste myself and I have difficulty believing that artists, any more than other people, have an aptitude for accepting the unknown.
SP This interview is taking a strange direction. I wasn’t expecting it but at the same time, it seems right to me to approach your work indirectly, using the thoughts of others to enrich our exchange, so I want to continue in that direction… If I let myself drift, your work makes me think of the Cannibal Manifesto, the 1928 poem by the writer, Oswald de Andrade, one of the founding texts of Brazilian modernity, in which Andrade argues for the symbolic consumption of the other. The text was inspired by a Tupi Indian ritual in which people were eaten in order to capture their vital energy. According to Andrade, the Brazilian people should consume — in the cannibalistic sense of the term – rather than copy European modernity, nourishing themselves with it to forge their own, unique identity. This incredible vitality — and the remarkable brilliance of this response to colonization — liberated a whole generation of artists. I’m thinking in particular of people such as Helio Oiticica or Lygia Clark. Maybe I’m wrong but I sense this cannibalistic energy in you!
And I think this metaphorical cannibalism produces the breaches that can be found in your work, breaches in style, in rhythm and in scale, since what you “eat” in the culture of the other is by definition heterogeneous and defies conventions related to space and time. I realize that all this doesn’t really constitute a question but I’d like your thoughts: to what extent does what I’m saying resonate with your experience as an artist?
ST That’s a very interesting commentary! I can’t really identify completely with Andrade’s position — our lives and the historical contexts are entirely different — but I do feel close to cannibalism as a form of hybridization. There is something like that going on when I use the works of others. It’s simply that I feel as if it is not so much me eating the works of others, as me being bitten by the work, being seduced. And I respond like any ensnared lover would! It’s like a kiss, sometimes terribly repulsive, sometimes very sensual. I hadn’t the least desire to lose myself to Artaud’s Le Totem, and yet I did! Le Moche came into being through this encounter. It’s really exhausting; I’m sometimes overwhelmed by these love stories. There are times when I don’t go to see exhibitions because I’m afraid of being seduced!
What bothers me slightly with the term cannibalism, in the strict sense, is that it excludes a form of sensuality. Before biting into the flesh, the work must make its mark on the skin. It’s like the meeting of the Holy Shroud with Saturn Devouring His Son by Goya. The imprint and then the flesh!
To come back to Artaud’s drawing, it is about what is going on inside his body and in his mind, and I suppose that’s what makes it so difficult to like at the start. The line is always jumping, it’s not gentle, there are no continuous lines. Bonnard, on the contrary, paints the female body quickly and then treats the surface of the painting like a skin. The sensuality of his painting permeates everything that is represented beside the bodies, around them and outside. He paints objects and the decor as if he were feeling for their anatomy, and it gives the impression of a dismembering. These are two examples of very different representations of the body which interest me equally.
In another, more decorative and applied register, the representations of the women on the handles of the doors of the Musée d’art moderne de la Ville de Paris inspire me and I’m working on them at the moment! You caress and squeeze these naked women, and then — inevitably — abandon them. What a brilliant strategic frustration! You enter the museum full of this sensation and you hurry to see what could again fill you with strength. Suely Rolnik, the Brazilian philosopher and art critic, defines sensation as “what is given to subjectivity by the living presence of others”. That’s what I find wonderful about looking at other people’s work! The appropriation of these diverse works allows me to concentrate a specific mental energy on particular formal problems; in this instance, on the subjective synthesis of the human figure.
FB Apart from the historical figures you have spoken about, who are the living artists who inform your work?
ST I’ve looked at the work of Dana Schutz, the American painter born in 1976, very carefully. Her work is extremely funny and are very strong as montage. She mostly paints human beings doing several things at once. Her titles speak for themselves: Shaking, Cooking, Peeing and Getting Dressed All At Once, or again Face Eater, Bird in Throat, Eye Eater, Devourer, Poke… Her works are precisely about cannibalism and the way the body consumes the image and vice versa! Dana Schutz’s work is in the continuity of Guston and Picasso. Everything is given at face value. Her characters embody our contemporary world. I also often look at the work of Rachel Harrison, Valérie Blass, Lizzie Fitch, Cathy Wilkes, and Sarah Lucas. So women — anglo saxon women — who take the liberty of representing bodies in a very stylized way, with humor and malice. Monstrosity, make-up, disguise, softness, the scale of representation, the colors etc., although not at all realistic, evoke our perception of our own bodies in a very direct way.
FB There is a concept, which today is mainly used in electronic music, but which seems to me to make sense in relation to your work — hantologie. Jacques Derrida created this neologism from the terms “to haunt” and “ontogogy”. According to him, hantologie designates the presence of “phantoms” within human creations — understood as the materialization of memorial residues active in the present. Apart from the artists and works that “haunt” your work — and which you have talked about — it seems it is also influenced by the environment in which you live. You recently told me that “living and working” in Paris was not anodyne. Do you think the memory of the city, haunted by the spirits of those who lived here and made it what it is, influences your work?
ST It’s not so much the artists who worked in and whose work is about Paris, such as the Surrealists and the Situationists, that move and haunt me. It’s Balzac, the Goncourt brothers, and post-revolutionary Paris which leads into Haussmann’s Paris. Whatever the neighborhood, whatever the style, it’s hard to walk in Paris without being aware of the arrogant architecture, the presence of history, the aristocracy, the bourgeois apartment buildings, the monuments, the facades, etc. I often think about 1789, about the classes, not to say the social orders, which confronted each other then as now — on very different terms, of course. This city divides as much as it crosses, mixes and stratifies registers, genres, styles and periods so intensely and dramatically. In some way, for me, as a child of the Parisian suburbs, the aristocracy is the embodiment of an ideal of comfort, eloquent speech and cultivated taste.
I made a sculpture in 2014 called Dorothée. Dorothée is a young girl with messy hair who loves necklaces. She is homeless but she stands proud on a fancy pedestal, made of oak and colored Plexiglas, that keeps her alive. She is made of a porcelain vase decorated with paintings and necklaces, and blonde matted hair tied with brass wire. Dorothée could be an aristocrat and an anarchist, someone who has lost her money and her freedom but who hasn’t lost her nobility. Luciano Fabro said something very true: “the bourgeoisie can have no morality, its morality is only power and money. If you take away the money, there is no more bourgeoisie. But if you take it away from an aristocrat, he is still an aristocrat. That’s abstraction. The bourgeoisie cannot be abstract and that is the crisis of the center!”1
Paris is a wonderful decor in which to stand tall like a Madame de Mortsauf, countess and main character of The Lily of the Valley, but also on the contrary, to be overcome by the tragic destiny of Germaine Lacerteux, confined to the narrow sphere of her life by her inability to speak, in the psychoanalytical sense of the term, that is to say, to use language to construct her own identity.
In a strange way, the hiatus between this Paris-decor and the brutal reality of contemporary Paris, where many people of very different cultures live in a very small space, brings me to look at, embody and then make collages of different styles. The city feeds a heterogeneousness in styles, in iconographic sources, in periods. It makes me think of the first line of Ovid’s Metamorphoses: “I want to speak of bodies changed into new forms”.
The work must be done in a continuous movement. My character-sculptures represent a form of freedom in the very act of creation, as much as in the destiny of the fictive characters that come into being through the act. It’s in this fantasy of being whoever I want that I become free. I work by projecting myself into the different stories of different bodies. Paris helps me to represent and visualize the incarnation of these body-stories.
In the world of contemporary art, there isn’t enough discussion of where artists come from; I’m not suggesting that this need be dramatized, but we act as if everyone came from the same milieu – which is, oddly, a rather aristocratic attitude. My work is also about that, about the malaise between a supposed cultural homogeneity and the heterogeneity of my styles and influences.
Although living in Paris is not very hip for some people in the art world, it’s where I live, like many other people, and I work from the place I’m at. Apart from the cultural policy that made the creation of studio-living spaces for artists possible, nothing has been done to encourage artists to live there – space is too expensive. Yet that’s precisely what makes one develop strategies of resistance to find the time and space to work and this difficulty makes for a stimulating work environment.
FP To conclude this interview, I’d like to discuss the titles of your exhibitions. They have always fascinated me because they go so much against the implicit codes in place in the field of contemporary art. The title of your exhibition at the Fondation Ricard Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul (Diabolo ¬ Chews Gum in the Rain ¬ and Thinks About Sex) is a perfect example: the effect is an astonishing mixture of clumsiness and confidence, which is simultaneously attractive and repulsive. In a subtle way, it undoes the viewer’s expectations about what she is entitled to see and understand. And yet one can’t help asking oneself what possessed you! And they are simply funny – by the way, humor in your work is something we haven’t talked about and which I’d like to hear your thoughts on… Can you describe the role these titles play in your production process, what they trigger in terms of suggestiveness for the viewer but also as a program for you?
ST On the one hand there are the exhibition titles, and on the other, the titles of the works. The title of an exhibition is like a contour drawing — it determines the limits of the project. For example, for the exhibition at the Parc Saint Léger L’œuf et les sandales (The Egg and the Sandals), I simply played with the expression “to walk on eggshells”, by deciding that the noun “sandals” would replace the verb “to walk”. The image in this expression implies the body and suggests a possible fall. Sandals superpose a structure on the foot and reveal them at the same time and I find this both beautiful and repulsive. The foot is a part of the body that I’m particularly interested in because it makes contact with the ground. I was also thinking of Georges Bataille’s text The Big Toe. Everything in it is the complete opposite of the form of the egg, a magnificent, perfect form. So with this title, I wanted to implicate the body of the viewer in his perception of the exhibition, by suggesting this aesthetic antinomy.
Of course, a title like that is not constructed in such a conscious way. The contraction of the initial expression happened very quickly and it was only later that I analyzed it. All my work is done that way.
Some of the titles of my pieces simply call what is there to be seen by its name, like the work entitled Les fesses (The Bum). Other titles of mine evoke specific objects like the Bubble Gums, Le Teckel (The Dachshund) or La pomme de terre (The Potato). They don’t represent what they’re called, but the object named has a comic or Pop potential. The titles help me a lot when I’m installing an exhibition. During the installation of the exhibition at the Parc Saint Léger, for example, I named my pieces — to myself, in my head — and I realized that it had helped me place them in relation to one another with precision. The idiocy of their names would sometimes make me laugh. La blonde (The Blonde) flirted with Le Poilu (The Hairy Man). Le Moche (The Ugly Man) reigned in the middle of the room — he could get a glimpse of Le Teckel (The Dachshund) but he couldn’t ogle Les fesses (The Bum), while Le poisson et le taureau (Pisces and the Bull) kept aloof from Palais à 4 heure du matin (Palace at 4 a.m.) which overlooked Le Lit (The Bed).
Yet I don’t pretend to create a narrative structure within my exhibitions. One form must chase another form, which chases another — that’s how the space is structured in my shows. I prefer the term staging: the space between the works organizes and awakens desire. This supposes a trajectory from one point to another, motivated by the desire to go and see, and to be seen. When I construct this staging, I often voluntarily confuse the body of my pieces with the body of the potential viewer. I act as if the works were capable of seeing themselves and of seeing another work in relation to the next. The same is true for the viewer — or the viewer as I imagine her — who in the course of her walk through the exhibition, replaces the works one by one, to see the rest of the exhibition from the particular viewpoint of a work.
Humor is part of the work process and provokes a dynamic which is engendered by a personal mythology. The implicit, contractions and the assembly of various images I’m thinking about, end up composing multiple and chimeric forms which are sometimes funny. That’s how the title of the exhibition at the Fondation d’entreprise Ricard Diabolo ¬ mâche un chewing-gum sous la pluie ¬ et pense au cul (Diabolo ¬ Chews Gum in the Rain ¬ and Thinks About Sex) came into being. Diabolo is a guy who is lost in and by his desiring body. He is inside himself and his body is his own devil. He is not at all vulgar. First, he was sipping a diabolo and then that became his name, so he chews gum while thinking about sex. This constitutes a project, for me as much as for the person who comes to the exhibition. It’s not pretty and that’s why I’m working on it!